[Le texte prononcé fait foi]
Présidente, chères et chers amis,
Bonjour, je suis heureuse d’être avec vous et de vous saluer au nom de la Confédération européenne des syndicats.
Votre slogan : UNSA : le syndicalisme en positif. Alors, je commencerai par le positif.
La CES pense que l’UE n’est pas un projet du passé, mais un projet pour l’avenir.
En France, au Royaume-Uni avec l’UKIP, dans les pays nordiques, notamment en Suède, au Danemark mais aussi en Finlande, des partis nationalistes et conservateurs ont obtenu des résultats significatifs.
En Grèce la gauche radicale oblige l’UE à repenser ses politiques. C’est encourageant et c’est une opportunité.
C’est vrai : les rétrogrades et les nationalistes ont gagné du terrain au Parlement européen comme au niveau national.
Leur dénominateur commun c’est le refus de l’Europe.
Que le Front National ait une telle importance en France est alarmant pas seulement pour la France mais pour l’Europe toute entière. La France, deuxième force économique, pays fondateur de la Communauté européenne, le pays de Robert Schuman, de Jean Monnet et de Jacques Delors reste un pays déterminant pour l’avenir européen.
Je suis, vous êtes, la CES est atterrée de voir bourgeonner un parti qui prône le retour vers l’état national, qui prône l’abandon de la monnaie unique et le retour au franc, qui veut fermer les frontières et abandonner la libre circulation, qui a comme fonds de commerce la xénophobie et même le racisme. Ce n’est pas là notre avenir ; ce n’est pas là l’avenir des jeunes.
L’histoire des nations est tout sauf glorieuse. De très, très douloureuses marques de l’histoire du siècle dernier remontent dans notre mémoire collective.
Deux guerres, le fascisme et le totalitarisme, ont dévasté notre continent. Les colonialismes des uns et des autres ont laissé des cicatrices jusqu’à nos jours.
L’Union européenne est une réponse heureuse aux malheurs du passé ; cette réponse nous ne la braderons jamais.
Mais l’UE c’est aussi une réponse pour le 21ème siècle. Quel est le poids de la France face à la Chine ou aux USA ? Par contre le poids de l’UE est tout à fait considérable. La globalisation exige que les états nations européens regroupent leur force. C’est aussi une condition de la croissance et de l’emploi.
L’Union européenne reste un projet en construction permanente. Elle a connu des hauts et des bas ; elle est bourrée de contradictions, et sa route est semée d’obstacles.
C’est normal. Construire un niveau supranational en conciliant les intérêts et diversités nationaux et régionaux n’est pas un long fleuve tranquille.
C’est très compliqué. Il n’y a pas de baguette magique.
Le monde du travail a besoin d’une représentation unie et forte qui défende et promeuve les intérêts de ses membres, et qui dise haut et fort ce qui va et ce qui ne va pas.
C’est ce que la CES fait au sein de l’Union européenne. Nous somme la voix et la représentation des syndicats qui mobilise et agit pour une meilleure Europe et contre les dérapages du néolibéralisme.
Les politiques européennes, au cours de ces dernières années, ont aggravé les différences entre les pays. Pour nous ce n’est pas cela l’Europe.
Les politiques européennes ont contribué à augmenter le chômage, la précarité, les inégalités. Pour nous ce n’est pas cela l’Europe.
Se lamenter ne sert à rien. Rester sur le bord de la route et refuser de marcher est contre-productif. Nous devons travailler de l’intérieur, pour réorienter les politiques européennes, vers une croissance soutenable et des emplois de qualité, pour la fin du dumping salarial et fiscal.
Vous UNSA nous CES, syndicat européen, sommes une force essentielle dans la démocratie européenne.
A l’intégration économique il faut répondre par une intégration et une action syndicale coordonnée. Il reste du chemin à faire ; je suis bien placée pour le savoir. Mais ne négligeons pas le chemin parcouru.
Le système financier doit alimenter l’économie réelle. C’est sa fonction. En cela le système financier a une mission de service public. Qui s’en souvient encore ?
Le système s’est dévoyé ; les banques ont spéculé et fait de l’argent sur de l’argent ; puis le château de cartes s’est écroulé, avec le résultat que vous connaissez.
Ce n’est pas normal. Ce n’est pas acceptable.
Nous sommes loin d’avoir rétabli un système bancaire fiable. On peut le faire au niveau européen. Au niveau mondial c’est beaucoup plus difficile, même si c’est souhaitable. De mon point de vue, très loin. Quelques progrès ont été faits, mais nous ne sommes pas à l’abri d’une autre crise bancaire.
Nous avons aussi un problème de fiscalité. D’abord un problème de concurrence sur le taux de fiscalité des entreprises - entre 12% et 30% - et ensuite un problème avec la multiplication des techniques d’évitement fiscal, et de fraude fiscale.
De grandes multinationales, d’origines diverses y compris européennes, font leur profit en Europe et évacuent ces profits ailleurs pour échapper au fisc. Cela veut dire qu’elles profitent quasi gratuitement des infrastructures, des services publics, transport et autres sans contribuer à les financer.
Il y a un mot pour qualifier cela. C’est le mot : vol. Cela demande une réaction européenne et globale.
On nous dit que la crise est finie.
Pourtant, et c’est l’OIT qui le dit, la pauvreté et l’exclusion affectent aujourd’hui 123 million de personnes dans l’Union européenne, soit 24% de la population. Deux : le coût de l’ajustement a été payé par les populations. Trois : le modèle social européen a considérablement réduit la pauvreté; mais les politiques à court terme ont érodé et érodent ce modèle.
Alors moi je vous le dis ici, Aucun leader européen ne devrait oser dire que la crise est finie tant que cette situation de chômage, de précarité, de pauvreté perdure.
Les leaders européens semblent considérer que chômage, pauvreté, précarité sont un mal, certes, mais un mal inévitable. Pourquoi ? Peut-être parce qu’ils ne savent pas ce que c’est que le chômage, la pauvreté ou la précarité.
Nous disons : protection sociale, santé, pension, éducation, transport, services publics sont les structures essentielles d’une bonne société.
Nous refusons que les victimes de la crise financière soient ceux qui paient la facture.
Il faut des investissements pour une croissance soutenable et des emplois de qualité. Il faut de vrais changements des politiques européennes.
Il y a beaucoup à faire en Europe. Des investissements. Mais pas n’importe quels investissements. Des investissements pour une ré-industrialisation écologiquement orientée. Des investissements dans nos infrastructures, dans l’appareil productif, dans la formation, l’éducation, la santé, dans une réindustrialisation écologique. La liste est longue.
La CES a fait des propositions : pour un contrat social pour l’UE et pour un plan d’investissement à grande échelle.
Nous discutons avec les responsables politiques pour qu’ils s’emparent de nos idées et les mettent en pratique.
Tout cela est dans l’intérêt de tous, et d’abord des jeunes aujourd’hui sur la touche.
Avons-nous avancé ? Oui. Avons-nous gagné ? Non.
Une nouvelle Commission s’est mise en place. Elle nous promet un plan d’investissement de 315 milliards. Mais ces milliards devraient être générés par des fonds privés. Nous ne sommes pas contre les investissements privés, mais ils ne remplaceront jamais les investissements publics.
Les investissements publics peuvent privilégier le long terme, la cohésion sociale, l’éducation, la santé.
Les investissements privés, eux, veulent un retour sur investissement, et un retour rapide.
La CES est beaucoup plus ambitieuse dans ces demandes d’investissement, mais nous encourageons tous les signes et les actions qui montreraient que, concrètement, les priorités économiques des gouvernements qui font l’UE, changent.
Tout au long de son histoire, et dans un contexte de pluralisme culturel et syndical, la CES a prouvé qu’elle était une force de proposition et d’action.
La CES doit concilier intérêts nationaux et intérêts européen et supranational. Pas facile mais primordial.
J’aime appeler la CES, le syndicat européen, même si je connais la nuance entre confédération syndicale et syndicat. Vous la connaissez aussi.
Mais j’aime appeler la CES le syndicat européen parce que nous avons les mêmes objectifs qu’un syndicat et que nous utilisons les même moyens.
Nos moyens sont doubles : opposition quand il faut avoir une parole ou des actions fortes – et c’est très fréquent. Mais aussi : proposition et négociation. Car nous devons proposer et négocier.
Je crois que l’UNSA se retrouve bien dans cette dualité.
Le dialogue social au niveau européen est difficile parce que la Commission a cessé d’avoir un véritable agenda social qui soutienne les négociations, et aussi parce que les employeurs, dans le contexte idéologique actuel, ont le vent en poupe.
Une question importante se pose et se posera inévitablement de plus en plus dans l’Union économique et monétaire. La question est celle-ci : Quel rôle doit et devra jouer la CES dans la gouvernance économique européenne ? Quelle complémentarité entre le syndicalisme national et le syndicalisme européen ?
Voilà sans doute un thème pour notre prochain congrès. D’ailleurs fixé à Paris. Et organisé par l’ensemble des confédérations françaises affiliées à la CES.
Une première, et j’en suis certaine, un succès.
Un mot sur les négociations entre l’Union et les Etats-Unis avec comme objectif la conclusion d’un partenariat transatlantique. Ces négociations nous concernent tous.
Nous ne sommes pas contre tout accord commercial. Beaucoup de nos membres ont un emploi qui dépend du commerce.
Nous ne sommes pas disposés à sacrifier nos acquis au profit d’un accord de libre échange qui attaquerait les services publics et nos systèmes de protection sociale.
Notre modèle social n’est pas à vendre
Nous sommes contre la privatisation de la justice pour les entreprises. C’est pourquoi nous nous opposons au mécanisme de règlement des conflits qui permettrait aux entreprises d’accéder à des juridictions commerciales parallèles. Nous voulons que les services publics soient clairement exclus de cet accord et que les normes de l’Organisation internationale du travail soient appliquées.
La CES est en contact permanent avec la confédération des syndicats US, AFL-CIO.
Le fonctionnement d’un axe syndical transatlantique reste essentiel pour consolider notre influence. Encore une fois ici, notre force sera dans notre cohérence et dans notre unité.
Je voudrais adresser mes remerciements à l’UNSA, à Luc, à Michel, pour le soutien que vous apportez à la CES. J’apprécie votre combativité et votre sens du compromis et aussi l’amitié dont beaucoup d’entre vous ont fait preuve à mon égard depuis de nombreuses années.
Nous n’avons pas la vie facile. Et beaucoup d’obstacles restent à franchir. Mais je suis absolument certaine que notre action est utile et indispensable.
Mon mandat comme Secrétaire générale prendra fin début octobre. Je suis convaincue que la CES et son nouveau Secrétaire général pourra continuer à compter sur votre engagement et votre force de proposition.