Bruxelles, 22/11/2004
La participation des employés aux décisions de l'entreprise en République fédérale d'Allemagne se trouve actuellement sous pression. Ce sont pourtant moins les investisseurs étrangers - dont on prétend qu'ils ont peur de s'établir en Allemagne en raison du principe de cogestion - ou la législation actuelle de l'Union européenne qui, affirme-t-on, menace la cogestion paritaire en Allemagne, qui en sont responsables. Selon Reiner Hoffmann, Secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats (CES), qui s'exprimait le 17 novembre 2004 à Dortmund, à l'occasion de la conférence spécialisée d'IG Metall consacrée à la cogestion, la participation se trouve essentiellement sous pression à cause des attaques idéologiques, qui font fi des réalités, de la part des organisations industrielles et des employeurs.
On nous répète sans cesse que l'Allemagne, en tant qu'endroit pour les holdings et pays d'investissement, ne serait pas intéressante aux yeux des investisseurs étrangers, en raison du principe de cogestion. Or, les réalités sont tout autres. Face à cette opinion, la Chambre de commerce américaine en Allemagne - à savoir l'instance de représentation des intérêts des entreprises allemandes et américaines engagées dans les échanges économiques transatlantiques - estime que l'Allemagne est, en Europe, le pays qui concentre le plus d'investissements américains. Une étude effectuée par le « Boston Consulting Group » souligne que l'Allemagne demeure toujours un pays européen attractif pour les investisseurs, et même le meilleur en ce qui concerne les holdings de management ! Après l'Europe de l'Est et la Grande-Bretagne, l'Allemagne occupe la troisième place sur la liste des pays les plus attractifs pour les investisseurs. L'accès au marché ainsi que le niveau élevé de qualification de ses employés font la différence. Il n'est pas question, dans cette étude, du principe de cogestion comme d'un obstacle aux investissements étrangers.
M. Hoffmann déplore que les critiques ignorent, dans les débats publics sur le sujet, le fait que sur les quelque 770 entreprises à cogestion paritaire, plus de 30% appartiennent directement ou indirectement à un investisseur étranger ! Ce fait montre bien que la cogestion ne représente aucunement un obstacle pour les investisseurs étrangers. Il y a seulement quelques semaines de cela, une entreprise américaine supplémentaire est venue s'ajouter à la liste, ce que Michael Rogowski (de la fédération allemande de l'industrie, BDI) a qualifié d'« erreur historique ». Kraft Foods Deutschland a réuni ses différentes sociétés, jusqu'alors autonomes, et mis en place le principe de cogestion paritaire.
D'autre part, l'affirmation selon laquelle la cogestion serait inconnue en Europe ne peut non plus être soutenue. Même si la cogestion à l'allemande, en comparaison avec les autres pays d'Europe, comporte une réglementation plus développée, il est absolument faux de dire, selon M. Hoffmann, que les autres pays européens sont de vastes zones exemptes de cogestion. Dans 18 des 25 États membres de l'Union européenne, il existe des règles juridiquement contraignantes de cogestion, qui prévoient, dans de nombreux cas, une participation substantielle des travailleurs au sein des directoires. Dans les nouveaux États membres, les organes des sociétés anonymes se basent sur le modèle allemand, et en Slovénie, par exemple, une participation des travailleurs à hauteur de 50% dans les entreprises de plus de 1000 employés est ainsi prévue par la loi.
Ces dernières années, les droits d'information et de consultation des travailleurs au niveau européen ont fait l'objet d'un développement constant. Le compromis sur la participation des travailleurs au sein de la Société européenne (SE) en fait également partie. Avec l'intégration de la Charte européenne des droits fondamentaux dans le futur Traité constitutionnel, le droit des travailleurs à l'information et à la consultation devient même un droit civique. Cependant, rien ne dit qu'à l'avenir, les droits de participation et de cogestion pourront continuer d'être garantis et développés par l'Union européenne. La discussion actuelle qui porte sur la directive européenne relative aux fusions est massivement exploitée par l'industrie et les employeurs dans le but de signer l'arrêt de mort de la cogestion à l'allemande.
M. Hoffmann estime qu'il convient de faire en sorte que le principe de participation et de cogestion demeure un élément juridiquement contraignant dans le futur droit européen de l'entreprise. Le statut de la Société européenne (SE) offre aux entreprises suffisamment de possibilités pour opérer dans les conditions du marché intérieur européen, dans le cadre d'une législation européenne unique, que ce soit au moyen d'une fusion, de la création d'une société holding ou d'une filiale, ou par une transformation de la forme juridique. Il convient tout d'abord d'avoir recours à cet instrument-là, et il est possible qu'ensuite, la directive sur les fusions, si controversée, n'ait plus besoin d'être utilisée. Le coût social entraîné par l'adoption d'une directive sur les fusions sans garantie des droits de participation serait élevé, et ne ferait que porter préjudice à la compétitivité des entreprises.