Bruxelles, 03/04/2008
La Confédération européenne des syndicats (CES) estime que le jugement confirme l'interprétation étroite que la CJE donne de la directive sur le détachement dans l'affaire Laval et ignore la directive de 2004 sur les marchés publics qui permet explicitement des clauses sociales. Il ne reconnaît pas le droit des Etats membres et des pouvoirs publics d'utiliser des instruments de marchés publics pour contrer la concurrence déloyale sur les salaires et les conditions de travail par les prestataires de services transfrontaliers, car ces instruments ne seraient pas compatibles avec la directive sur le détachement. Et il ne reconnaît pas non plus aux syndicats le droit de réclamer des salaires et des conditions de travail égaux ainsi que l'observation des normes collectives applicables au lieu de travail pour les travailleurs migrants, quelle que soit leur nationalité, au-delà des normes minimales reconnues par la directive sur le détachement.
La CJE conteste le fait que ces politiques pourraient se justifier par l'objectif d'assurer la protection des travailleurs. De plus, la CJE donne une interprétation très contestable du principal objectif de la directive sur le détachement qui, selon elle, “cherche en particulier à offrir la liberté de fournir des services”, ignorant ainsi sa raison d'être affirmée, à savoir que “la promotion de la prestation transnationale de services requiert un climat de concurrence équitable et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs”.
Le jugement de la CJE est en fait une invitation manifeste au dumping social, qui ne fera que menacer les droits des travailleurs et les conditions de travail, mais aussi la capacité des entreprises locales (petites et moyennes) à concurrencer sur un pied d'égalité les (sous-)contractants étrangers. Cela pourrait renforcer les sentiments d'hostilité à l'égard de l'ouverture des frontières, qui constituent un obstacle bien plus puissant à l'élaboration du marché unique et à la libre circulation que la CJE et certains hommes politiques européens semblent l'imaginer.
John Monks, le Secrétaire général de la CES, a affirmé: « Après la récente décision de la CJE dans l'affaire Laval, il s'agit là d'un nouveau jugement nuisible et dangereux. Tous deux affirment la primauté de la libre circulation des services sur les règlementations du travail existantes qui s'appliquent au lieu où le service est fourni. »
« Ce jugement révèle que les autorités européennes doivent prendre des mesures urgentes afin de confirmer que l'UE n'est pas seulement un projet économique mais a pour principal objectif l'amélioration des conditions de vie et de travail de ses populations, et que le concept de progrès social revêt une importance fondamentale pour garder le soutien des citoyens et des travailleurs européens en faveur du projet européen. »
« Pour que cela soit clair et pour éviter la répétition des affaires Rüffert et Laval, la CES plaide en faveur d'une clause de progrès social. »