Résolution de la CES sur la Garantie européenne pour l’emploi

Résolution de la CES sur la Garantie européenne pour l’emploi

Adoptée lors de la réunion du Comité exécutif des 6 et 7 décembre 2023

La CES soutient l’idée d’une garantie européenne pour l’emploi qui offrirait des opportunités aux chômeurs de longue durée par le biais d’un programme géré par l’État pour les demandeurs d’emploi qui ne peuvent trouver de possibilités sur le marché ouvert du travail. La garantie pour l’emploi devrait s’articuler autour des grands principes suivants :

  • Alignement des opportunités d’emploi avec les compétences et les aspirations de carrière individuelles.
  • Engagement volontaire des personnes au chômage sans conditionnalités ni sanctions en cas de refus d’offres d’emploi (comme empêcher l’accès aux indemnités de chômage) et sans conséquences pour les participants qui font le choix de quitter l’emploi ou le programme.
  • Propositions d’emplois de qualité sous contrat à durée indéterminée avec salaire et droits en ligne avec la convention collective applicable et les normes de travail nationales. La participation à un régime de garantie d’emploi devrait accroître les chances de réintégrer le marché du travail sans créer un marché du travail séparé ou parallèle.
  • Le programme devrait inclure les chômeurs de longue durée à travers une approche personnalisée privilégiant les personnes les plus exclues ou discriminées sur le marché du travail.
  • Les participants devraient avoir droit à des possibilités de perfectionnement et de reconversion ainsi qu’à une formation préalable à l’embauche et une formation « sur le tas ». Le programme devrait en outre offrir des conseils d’orientation aux participants et s’attaquer aux discriminations et aux inégalités fondées sur le genre.
  • Une approche territoriale avec une implication significative des syndicats dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation du programme. D’autres acteurs régionaux devraient également y participer pour assurer que le programme réponde aux besoins non satisfaits du territoire tout en maintenant un ancrage solide dans le dialogue social.
  • La garantie pour l’emploi ne devrait pas réduire d’autres programmes relatifs au chômage de longue durée au niveau local, régional ou national, en particulier s’ils sont plus favorables pour les chômeurs de longue durée.

La garantie européenne pour l’emploi peut être ouverte à la participation de tout employeur, qu’il soit du secteur privé ou public, à but lucratif ou non lucratif, pour autant qu’il adhère aux principes susmentionnés et aux autres conditionnalités sociales garantissant le progrès social et des emplois de qualité, qu’il n’ait pas récemment procédé à des licenciements injustes ou violé des droits des travailleurs, qu’il reconnaisse les syndicats et n’a pas, par le passé, manifesté d’antisyndicalisme ou commis des abus à l’égard des syndicats. Lorsqu’une participation de gouvernements locaux ou régionaux comme employeurs potentiels est envisagée dans le cadre de ces programmes, il est essentiel que leur participation s’accompagne d’un soutien financier accru et de personnel supplémentaire. Cela permettra la création d’emplois directs durables et d’opportunités de formation adéquate. Il convient également d’insister sur le fait que les emplois créés doivent répondre aux besoins non satisfaits dans le territoire en mettant l’accent sur les causes sociales et environnementales afin d’éviter d’entrer en concurrence ou d’installer une concurrence déloyale avec des entreprises existantes.

En mettant en œuvre une garantie européenne pour l’emploi, l’UE peut effectivement contribuer aux objectifs définis dans le Green deal européen et soutenir les principes du socle européen des droits sociaux. Toutefois, pour qu’elle devienne une véritable garantie pour les chômeurs, elle doit être basée sur une offre d’emplois de haute qualité. Selon la définition de la CES (Résolution de la CES - Définir le travail de qualité : un plan d'action de la CES pour des emplois plus nombreux et de meilleure qualité), de tels emplois impliquent des bons salaires, l’accès à la sécurité de l'emploi via l’emploi standard et l’accès à la protection sociale, le droit à un apprentissage tout au long de la vie, une rémunération égale pour un travail de valeur égale, de bonnes conditions de travail au sein de lieux de travail sûrs et sains, des heures de travail raisonnables avec un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée et le droit à une représentation syndicale et à la négociation collective.

On peut s’attendre à ce que la mise en œuvre d’une garantie européenne pour l’emploi ait des retombées positives dans les territoires où elle s’appliquera. Un tel programme peut notamment participer à la stabilisation de l’économie et stimuler la croissance en proposant à davantage de personnes un emploi, un revenu et la possibilité d’y contribuer à travers la consommation et la fiscalité, augmentant ainsi davantage encore les retombées du programme pour la société. Il peut également aider à réduire la pression sur le système de sécurité sociale.

L’implication des partenaires sociaux dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de la garantie pour l’emploi est indispensable à son succès car les syndicats disposent de connaissances utiles sur les besoins spécifiques des travailleurs au sein de chaque région. Afin de garantir la complète transparence des possibilités offertes, un observatoire de la mise en œuvre de ce programme devrait être créé avec la participation des acteurs susmentionnés et l’organisation des services publics de l’emploi correspondants.

Des leçons utiles peuvent être tirées de la garantie européenne pour la jeunesse dont les bénéfices potentiels ne se sont pas matérialisés. Selon la CES , sa mise en œuvre par plusieurs États membres a même donné lieu à un accroissement des conditions de travail précaires pour les jeunes tandis que les ressources financières allouées se sont révélées insuffisantes. Au vu de ces lacunes, il devient crucial pour la Commission européenne de prendre toutes les mesures nécessaires – quel qu’en soit le coût – pour éviter de telles conséquences négatives lors du développement de la garantie européenne pour l’emploi en s’assurant que sa mise en œuvre soit correctement financée et mène à des emplois de qualité et à des améliorations substantielles et durables du marché du travail pour ses participants.

La garantie européenne pour l’emploi devrait tenir compte des leçons tirées de la mise en œuvre de la recommandation du Conseil relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail. Cette initiative n’a pas répondu aux attentes principalement en raison de modalités inadéquates concernant l’implication des syndicats et des partenariats sociaux.

En se référant aux enseignements des expériences de nos membres (voir annexe I), la Confédération européenne des syndicats (CES) plaide pour l’instauration d’une potentielle garantie européenne pour l’emploi répondant aux exigences clés suivantes :

  • Pleins droits à l’emploi : Cela inclut l’application des conventions collectives spécifiques aux secteurs concernés, qu’il s’agisse d’entreprises privées ou de services publics opérant dans le cadre de la garantie pour l’emploi.
  • Nature volontaire de la participation et soutien complet : La participation dans des régimes de garantie pour l’emploi doit être pleinement volontaire et exclure toute forme de sanction.
  • Une amélioration de la collecte des données : Renforcer la disponibilité des données afin d’évaluer l’efficacité de ces programmes dans le but d’améliorer le bien-être des participants et des communautés et de faciliter l’intégration des participants dans le marché général du travail.
  • L’élargissement de la couverture sectorielle : Assurer qu’un éventail complet de secteurs soit couvert dans le cadre de la garantie européenne pour l’emploi. Dans certains cas, on observe une confiance excessive dans la fourniture de services de proximité qui souvent impliquent des tâches essentielles mais de faibles qualifications. Bien que les travailleurs peu qualifiés représentent possiblement une plus grande proportion des bénéficiaires de ce programme, l’approche décrite précédemment devrait être évitée en tant que pratique courante ;
  • Une approche effective des groupes cibles : Prioriser l’approche et l’engagement effectifs de ces groupes, en tenant compte de la dimension de genre, en particulier les personnes n’ayant pas ou peu d’opportunités sur le marché traditionnel du travail. Les partenaires sociaux devraient être impliqués dans la définition des groupes cibles.

La CES plaide fortement en faveur de la mise en place d’une garantie européenne pour l’emploi comme moyen de s’attaquer au chômage de longue durée. Nous recommandons qu’un financement suffisant soit octroyé à cette garantie et que ce financement fasse l’objet d’une allocation dédiée du budget de l’UE. Cette approche garantit que les ressources nécessaires au programme soient priorisées indépendamment sans impacter d’autres projets soutenus par le fonds social européen. Bien que le budget initial attribué au projet pilote puisse être utilisé pour établir un réseau au sein des politiques européennes existantes, l’allocation finale du programme devrait avoir pour but de générer des opportunités d’emploi direct et de soutenir les services publics de l’emploi responsables de la gestion de cette initiative. Afin d’assurer une mise en œuvre de qualité du programme, les capacités des services publics de l’emploi doivent être augmentées en investissant dans leurs ressources humaines et financières. L’allocation de financement initiale pour la garantie européenne pour l’emploi devrait donner priorité aux employeurs publics et aux employeurs sans but lucratif. La CES demande qu’un financement européen supplémentaire soit alloué pour soutenir les efforts des États membres dans le cadre de la garantie pour l’emploi.

La Commission européenne a exprimé de l’intérêt pour la mise en place d’une garantie européenne pour l’emploi. Actuellement, elle planche activement sur un projet pilote conçu pour créer un réseau connectant entre elles les régions de l’UE utilisant déjà des programmes similaires. La Commission en a brièvement exposé les modalités dans le cadre de son initiative pour l’innovation sociale du fonds social européen plus (FSE+) pour les projets mettant l’accent sur « des approches axées sur la demande pour s’attaquer au chômage de longue durée ». Une enveloppe budgétaire de 34 millions d’euros a été affectée dans ce but et un appel à projets devrait être officiellement publié d’ici à fin 2024.

La CES insiste sur l’importance d’assurer que les perspectives et revendications syndicales soient prises en compte par la Commission européenne. Que l’accent soit mis sur l’élaboration de projets abordant les besoins des utilisateurs finaux ou sur la création de réseaux soutenant des pratiques existantes, il est impératif que la voix des travailleurs et de leurs représentants soit entendue et intégrée dans ces programmes.