Résolution de la CES pour une nouvelle gouvernance économique et sociale européenne (adoptée)

Résolution de la CES pour une nouvelle gouvernance économique et sociale européenne

Adoptée lors de la réunion virtuelle du Comité exécutif des 3 et 4 juin 2021

AVANT-PROPOS

Cette résolution actualise la position de la CES « Une gouvernance économique et sociale européenne pour une relance rapide, solide et durable » adoptée en juin 2020 en réponse à la consultation publique d’avant la crise du Covid19 sur la révision de la gouvernance économique. Le paysage économique et social a significativement changé depuis. De nouveaux instruments de gouvernance économique existent aujourd’hui, certains sont temporaires mais auront des effets dans les années à venir, d’autres sont destinés à devenir permanents.

La Présidence portugaise a annoncé qu’il y aura un nouveau processus de consultation pour recueillir les avis sur la nouvelle gouvernance économique de l’UE. Cette résolution présente donc brièvement les objectifs politiques clés de la CES portant sur l’architecture et les exigences budgétaires, sociales et environnementales qui devraient mieux aligner la gouvernance économique et sociale de l’UE sur les attentes des travailleurs européens.

RÉSOLUTION

La pandémie a modifié le paysage mondial budgétaire, macroéconomique, social et environnemental. L’UE a pris des mesures pour atténuer l’impact social de la contraction de l’économie, mesures qui se traduisent toutefois par une dette élevée, une situation préoccupante de l’emploi et une plus grande vulnérabilité de groupes importants de la population. Parallèlement, les transformations vertes et numériques exigent d’énormes investissements. L’évolution démographique et les incertitudes quant aux perspectives économiques mondiales font également partie d’un nouveau paysage qui confirme l’obsolescence de la gouvernance économique de l’UE.

La CES a sans relâche rejeté le pacte budgétaire et estime que le pacte de stabilité et de croissance (PSC) doit être révisé pour éviter tout risque de voir ressurgir les politiques d'austérité. Un nouveau pacte devrait concilier les aspects sociaux, économiques et environnementaux du développement, en créant et en s’appuyant sur les conditions pour l’entière réalisation de l’agenda 2030 des Nations unies.

Nous savons que l’approfondissement de l’intégration européenne nécessite une dimension sociale plus forte. A cet égard, et suite au sommet de Porto du 7 mai 2021, le mouvement syndical européen est convaincu que la nouvelle gouvernance doit promouvoir la reprise, l’équité, la durabilité et la résilience. Elle doit chercher à favoriser une reprise riche en emplois stables et de qualité (en particulier pour les jeunes), viser le plein emploi et poursuivre une convergence à la hausse des conditions de vie et de travail des Européens, en s'appuyant sur des normes minimales plus strictes. La nouvelle gouvernance doit être durable, supprimer les inégalités et éradiquer la pauvreté d’une manière soucieuse de l’environnement. Elle doit améliorer la résilience de nos modèles socioéconomiques en incluant pleinement le plan d’action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux (SEDS) et en se fondant sur une croissance durable et le travail décent.

ARCHITECTURE DE LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DE L’UE

La dimension sociale des règles fondamentales de la gouvernance économique doit être revue. L’article 148 du TFUE ne représente qu’un faible contrepoids à l’importance que le traité accorde aux composantes budgétaires et macroéconomiques de la gouvernance. Pour pallier cela et avoir un impact plus marquant, le SEDS et son plan d’action, approuvé le 7 mai à Porto, devraient jouer un rôle plus fort et être intégrés dans l’architecture de la gouvernance économique de l’UE.

Au vu de l’évolution actuelle du contexte économique caractérisé par une faible inflation et des taux d’intérêt peu élevés, il est particulièrement temps de tenir compte d’indicateurs non liés au PIB et d’indicateurs du Green Deal en plus d’objectifs budgétaires soutenables. En matière de dette publique et de déficit nominal, les valeurs de référence liées au PIB en tant que facteurs déterminants des politiques économiques ne reflètent pas les ambitions de l’UE dans les domaines économique, social et environnemental. La nouvelle architecture devrait bien davantage reposer sur des mesures sans lien avec le PIB qui contrôlent les performances des États membres relatives au bien-être durable – comme les partenaires sociaux européens l’ont avancé dans leur proposition Compléter le PIB en tant que mesure du bien-être –, à un marché du travail inclusif et à la sécurité de l’emploi comme proposé dans l’Indice de croissance durable et de travail décent de la CES.

La stratégie de reprise offre une occasion de rendre l’architecture de la gouvernance européenne plus équitable et plus durable et de renforcer l’intégration de l’UE dans ses composantes économiques, sociales et politiques. L’expérience actuelle a montré que créer des mécanismes automatiques qui mettent à l’abri des États membres contre des chocs externes importants et imprévus peut bénéficier à tous les États membres. Des stabilisateurs des dépenses publiques en matière d’investissement et de résilience sociale, financés à travers des obligations à effet social, devraient trouver leur place dans le nouveau paradigme de la gouvernance économique de l’UE. La fiscalité européenne devrait être un outil pour rééquilibrer les objectifs sociaux, environnementaux et économiques de la gouvernance comme le propose la résolution de la CES Fiscalité et ressources propres de l’UE[1].

Toutefois, d’autres instruments tels que la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), conçus à titre ponctuel, continueront à produire leurs effets sur la gouvernance économique européenne dans les années à venir. Le contrôle des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PRR) sera plus rigoureux conformément au règlement sur la FRR étant donné que la réalisation progressive des échéances et des objectifs déterminera les décaissements des tranches de la FRR. Il est donc essentiel de renforcer le niveau d’implication des partenaires sociaux dans la mise en œuvre de la FRR pour prévenir les propositions de réformes structurelles problématiques (réduction des dépenses publiques, libéralisation du marché du travail et soutenabilité des systèmes de protection sociale) au niveau européen et national.

Il est temps de démocratiser l’ensemble de la gouvernance économique. Cela signifie que le Parlement européen devrait co-décider des objectifs et politiques macroéconomiques, surveiller leur mise en œuvre et tenir la Commission européenne pour responsable des résultats. L’implication des partenaires sociaux renforcera la valeur démocratique du semestre européen et du déploiement de la FRR. La nouvelle architecture devrait clarifier le rôle des partenaires sociaux dans les processus relatifs à la gouvernance économique de l’UE. Le semestre et la FRR font référence à l’implication des partenaires sociaux ou à des partenariats sans réellement fixer de cadre contraignant à cet effet.

DETTE SOUVERAINE ET ASPECTS BUDGÉTAIRES

La dette souveraine cumulée en réponse à la crise économique, sanitaire et sociale provoquée par la pandémie du Covid-19 doit être traitée au niveau européen tandis qu’une forte coordination (multilatéralisme) au niveau mondial des politiques macroéconomiques devrait être recherchée. La reprise étant inégale au sein de l’UE, la nouvelle gouvernance européenne devrait prévoir une période de transition durant laquelle aucune procédure pour déficit excessif ne serait activée et permettre le recours à la clause relative aux circonstances inhabituelles en fonction de la situation de chaque pays.

Les valeurs européennes de référence applicables à tous les États membres devraient être abandonnées en faveur d’objectifs budgétaires sur mesure reflétant mieux les défis sociaux et environnementaux propres à chaque État membre. Les décaissements des fonds de la FRR ou l’application flexible du cadre de gouvernance budgétaire devraient encourager des réformes visant l’aisance économique, les marchés du travail inclusifs et la sécurité de l’emploi. Dès lors, les règles budgétaires qui devraient être appliquées progressivement une fois que les économies européennes seront revenues aux niveaux d’avant-crise devraient autoriser des objectifs budgétaires différents pour atteindre un endettement supportable tenant compte du contexte réel de la croissance, de l’inflation et des taux d’intérêt.

La question du rapport dette-PIB pourrait être considérée comme étant secondaire puisqu’il ne reflète pas la soutenabilité de la dette publique. En effet, des niveaux de déficit et d’endettement plus importants peuvent aller de pair avec une soutenabilité accrue s’ils s’accompagnent de politiques budgétaires renforçant des perspectives de croissance compatibles avec la politique fiscale agrégée appropriée dans la zone euro et d’une politique monétaire proactive et accommodante. La question de la coordination ne devrait donc pas être abordée qu’au regard des différentes politiques budgétaires au sein des États membres mais aussi en tenant compte de la politique monétaire de l’UE et des politiques budgétaires des différents États membres mises en œuvre au titre de la soutenabilité budgétaire. Cela implique un certain dialogue économique entre la BCE et les autres institutions européennes (Commission, Parlement, Conseil) et une forme de responsabilisation de la BCE vis-à-vis du Parlement tout en garantissant l’indépendance de la Banque centrale.

Le renforcement du rôle des institutions européennes devrait s’accompagner du renforcement du caractère démocratique de la gouvernance économique. Afin de maintenir les objectifs sociaux, climatiques et pour l’emploi, la nouvelle gouvernance devrait être basée sur des accords de partenariat qui engagent les États membres et la Commission européenne et être adaptée à la nouvelle gouvernance sociale avec la pleine implication des partenaires sociaux[2]. Cela devrait inclure la sélection d’objectifs budgétaires spécifiques par pays reflétant mieux la situation socioéconomique et la soutenabilité budgétaire du pays ainsi que les objectifs sociaux et environnementaux de l’UE dans le respect des orientations définies par et sous le contrôle sur un pied d’égalité du Parlement européen et du Conseil.

Dans un nouveau cadre budgétaire qui devrait être progressivement mis en œuvre une fois atteints les niveaux d’avant-crise, le principe d’une règle d’or pour les investissements publics devrait être encouragé. Une telle règle devrait permettre que les investissements publics nets soient financés par la dette. Une augmentation des ressources propres de l’UE devrait être envisagée[3] si la nouvelle dette européenne doit être remboursée bien que la CES, en cohérence avec la Banque centrale européenne et le Comité budgétaire européen[4], demandera le maintien d’une capacité budgétaire au niveau européen.

De plus, tout en permettant aux stabilisateurs automatiques de fonctionner, une règle en matière de dépenses publiques pourrait être envisagée selon laquelle les coûts d’investissement seraient répartis sur la durée complète du service de la dette au cas où la soutenabilité de celle-ci serait en péril. Toutefois, il reste une incertitude quant à son effet anticyclique et son impact sur la croissance si les investissements publics, nets en particulier, visant à favoriser une croissance durable ainsi que les investissements alignés sur les objectifs à long terme de l’instrument de relance NextGenerationEU ne sont pas exemptés de la règle sur les dépenses publiques. Les dépenses pourraient en outre être calculées à partir de l’impact estimé de toute nouvelle mesure discrétionnaire liée aux recettes (changements des taux et de la base d’imposition) pour empêcher une manipulation des règles fiscales qui ne sont pas compensées du côté des dépenses. Les règles de dépenses ne doivent pas faire obstacle aux investissements nécessaires et aux dépenses courantes qui sont reconnues nécessaires pour répondre aux défis de la transition climatique et numérique.

De plus, et plus spécifiquement dans la zone euro, la correction des déséquilibres macroéconomiques, particulièrement concernant la balance des opérations courantes, devrait être soumise à des approches symétriques selon lesquelles les déficits excessifs et prolongés seront traités tout comme les excédents prolongés et excessifs. Les politiques budgétaires devraient, à cette fin, davantage tenir compte de leurs effets sur les objectifs économiques et budgétaires européens. Enfin et surtout, il ne devrait y avoir qu’une seule procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques et sociaux, les deux objectifs ayant le même poids dans l’évaluation de la solidité et de l’équité de la politique socioéconomique d’un État membre. L’identification des déséquilibres devrait donner lieu à des recommandations spécifiques par pays (voir le point 7) visant à corriger les déséquilibres dans un temps donné. Cela peut également se faire par le contrôle et la mise en place d’objectifs sociaux de la FRR comme spécifié dans les plans nationaux.

LA GOUVERNANCE SOCIALE DE L’UE

La CES est convaincue qu’une reprise économique forte ne peut compter que sur un modèle social plus juste, plus durable et plus résilient. Le socle européen des droits sociaux (SEDS) devrait devenir une composante contraignante de la gouvernance économique, également en fixant des normes minimales plus strictes qui pourraient contribuer à favoriser la convergence ascendante des conditions de travail et de vie en Europe. Les indicateurs sociaux relatifs à l’emploi, l’éducation et la pauvreté dans le plan d’action du SEDS devraient, avec le tableau de bord social renforcé, avoir un impact plus important sur la gouvernance économique.

La nouvelle gouvernance économique et sociale de l’UE devrait être basée sur le plein emploi, des emplois de grande qualité et une transition juste. Elle devrait favoriser une société plus inclusive, des revenus et une distribution des richesses plus équitables et une augmentation des dépenses et des investissements publics pour offrir à tous les citoyens des services de santé, d’éducation et de formation de qualité ainsi qu’une sécurité sociale efficace. Cette gouvernance devrait de plus accorder une protection minimum adéquate, en particulier aux groupes vulnérables, qui devrait être incluse dans le tableau de bord social révisé.

Cela veut dire que l’actuelle série d’indicateurs proposés par l’UE ne reflète pas complètement les risques sociétaux et la fracture sociale qui prévalent au sein de la société européenne, pas plus qu’elle ne contribue à atteindre les objectifs de l’UE. . L’indice de croissance durable et de travail décent de la CES présente un indicateur plus complet qui mesure l’impact de la gouvernance économique sur l’aisance économique, le caractère inclusif du marché du travail et la vulnérabilité des travailleurs au cours de leur vie professionnelle et au-delà, en ayant soin de promouvoir les compétences des travailleurs, d’éliminer les écarts entre les hommes et les femmes, de favoriser la convergence à la hausse des salaires et l’emploi des jeunes, et de renforcer l’inclusivité et l’efficacité des systèmes de protection sociale au moyen de filets de sécurité adéquats pour prévenir la pauvreté. La CES agira en faveur d’objectifs européens s’alignant sur cet indicateur de manière à mieux refléter les défis sociaux et environnementaux auxquels l’UE devra faire face dans les années à venir.

Les régimes nationaux de chômage partiel et de congé devraient être maintenus et soutenus par des moyens adéquats jusqu’à une reprise complète. Il est important qu’ils s’accompagnent de mesures d’activation pour les personnes concernées. La recommandation sur un soutien actif et efficace à l'emploi (EASE) doit être rapidement mise en œuvre dans le semestre européen en coopération étroite avec les partenaires sociaux. Les institutions européennes devraient aussi davantage encourager l’utilisation des outils disponibles pour aider les États membres à créer des emplois et les services publics de l’emploi à garantir l’accès à l’emploi.

Les stabilisateurs automatiques européens pourraient compléter les mesures nationales discrétionnaires pour favoriser la résilience sociale. La gouvernance économique et sociale de l’UE devrait refléter cette hypothèse. Les stabilisateurs ou les instruments automatiques supranationaux tels que le régime européen de réassurance chômage (SURE) et les facilités qui stabilisent les dépenses pour la protection sociale et la santé devraient être introduits en s’appuyant sur l’expérience positive de SURE afin de soutenir les pays touchés par des chocs asymétriques. Cela pourrait éviter des conséquences dramatiques pour l’emploi et au plan social. Il convient donc d’en étudier la faisabilité. Il doit cependant être clair que SURE ne se substitue pas à la nécessité d’une discussion sur un système plus permanent de stabilisation du chômage.

La garantie pour la jeunesse est un outil à fort potentiel pour la promotion de l’emploi des jeunes mais aussi contre les conséquences sociales de la crise du Covid-19. Son succès ne pourra toutefois être assuré que si on tient compte de l’évaluation du programme actuel et si les partenaires sociaux sectoriels, nationaux et européens sont impliqués dans la conception, la mise en œuvre et le suivi de sa version future.

Il est essentiel que la gouvernance économique soutienne la couverture universelle, l’efficacité et l’adéquation des systèmes de protection sociale. Bien que la soutenabilité d’une protection sociale efficace puisse être améliorée par des réformes (davantage et de meilleurs emplois pour tous les âges, fiscalité plus équitable, redistribution des gains de productivité, lutte contre l’économie informelle, meilleure intégration des personnes issues de l’immigration), les dépenses publiques nettes devraient évoluer en fonction des besoins d’une société vieillissante et sur base d’une solidarité entre les générations. Ces dépenses devraient également refléter des critères d’éligibilité selon le principe « vieillir dans la dignité », englobant non seulement la prévention de la pauvreté et l’adéquation des pensions mais aussi les investissements répondant aux besoins en soins de santé de qualité, accessibles et à long terme. Comme le suggère l’étude SociAll de la CES « Revisiter les indicateurs sociaux européens : une approche basée sur les besoins du point de vue des travailleurs »[5], des indicateurs contrôlant la mise en œuvre de la recommandation sur l’accès à la protection sociale pourraient constituer un bon cadre pour une approche budgétaire qui équilibre adéquation, accessibilité et soutenabilité des systèmes de protection sociale.

La CES se réjouit du fait que le SEDS fixe un nouvel objectif selon lequel, d’ici à 2030, au moins 60% de tous les adultes devraient participer à une formation chaque année. Les formations doivent toutefois mener à des emplois de qualité et veiller à une juste transition pour les travailleurs. Cela signifie que la nouvelle gouvernance devrait établir des mesures (parmi les indicateurs non liés au PIB) assurant que chaque pays de l’UE mette en place des politiques pour garantir : i) le droit et l’accès à l’éducation pour tous les adultes, y compris les chômeurs ; ii) le droit et l’accès à la formation pour les employés avec un investissement durable de l’employeur ; et iii) le droit et l’accès à différents types de congés-éducation payés. Il est important de faire la différence entre « accès à des droits ou prestations » et « accès à des comptes de formation individuels ». Afin d’atteindre cet objectif, un contrôle plus fréquent des données sur le « pourcentage des entreprises offrant une formation » et sur les « dépenses des entreprises en matière de formation exprimées en pourcentage du coût total de la main-d’œuvre » devrait être assuré[6]. Le portage du droit à des congés-éducation payés devrait être permis au sein et entre États membres.

IMPLICATION DES PARTENAIRES SOCIAUX

La CES plaide pour une plus forte implication des syndicats dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques qui orientent l’économie européenne dans la bonne direction en matière de soutenabilité et de résilience sociales. Compte tenu de l’interconnexion entre différents cadres d’action et plans nationaux, la gouvernance économique devrait établir un principe général de partenariat avec les partenaires sociaux dans tous les domaines et processus dans lesquels la gouvernance économique de l’UE intervient, tels que le semestre européen, la mise en œuvre de la FRR, les fonds structurels, le Green Deal, les 14 écosystèmes de la stratégie industrielle de l’UE et les voies de transformation qui y sont associées.

Un principe général de partenariat devrait clairement définir des règles pour l’implication des partenaires sociaux au niveau européen et national dans tous les processus relevant de la gouvernance économique de l’UE. Au niveau national, le dialogue social devrait être encouragé afin d’assurer des cadres d’actions sociales progressistes et une plus grande cohérence entre les plans nationaux (programmes nationaux de réforme, plans nationaux de reprise et de résilience, plans pour une transition juste, plans nationaux énergie-climat, programmes opérationnels des fonds structurels, etc.).

Les partenaires sociaux européens devraient en particulier être assurés d’un soutien et d’une implication plus importants pour leur engagement et leur représentativité à travers un déploiement des processus et une mise en œuvre des politiques de gouvernance économique de l’UE plus efficaces. A cet égard, la CES et ses affiliés ont gagné en expérience et en capacités pour travailler dans le cadre de la gouvernance économique européenne et cela devrait être reflété dans un cadre plus structuré de coopération entre les responsables et décideurs politiques et la CES au niveau européen et ses membres au niveau national.

ASPECTS INDUSTRIELS ET ENVIRONNEMENTAUX

La nouvelle gouvernance doit soutenir le renforcement de la base industrielle européenne et améliorer la résilience des chaînes d’approvisionnement concernées. Elle doit également s’accorder avec le concept d’une « autonomie stratégique ouverte » qui sous-tend l’actualisation de la stratégie industrielle de l’UE ainsi que la révision de sa politique commerciale.

La crise a mis en évidence l’importance de l’économie réelle et d’une industrie forte, singulièrement face à un système financier hypertrophié. Une base industrielle solide sera vitale pour la reprise économique en Europe. La gouvernance économique doit soutenir les objectifs de la nouvelle stratégie industrielle de l’UE et de son actualisation de 2021. Elle doit refléter les indicateurs de performance clés proposés dans cette actualisation et les compléter par des indicateurs supplémentaires correspondant à d’autres facteurs importants (tels que l’âge, le genre ou le profil de compétences des travailleurs dans les différents écosystèmes).

S’agissant de la dimension environnementale, la CES demande la mise en œuvre effective du Green Deal européen au niveau national de sorte à ne laisser personne au bord de la route. En effet, alors qu’aujourd’hui l’Union européenne a fixé des objectifs clairs et ambitieux pour le climat à l’horizon 2030 et 2050, la Commission devrait régulièrement contrôler et évaluer les progrès réalisés par ses États membres par rapport à ces objectifs et, au cas où des écarts seraient identifiés, formuler des recommandations d’actions concrètes pour garantir une transition juste. Un dialogue social effectif et une négociation collective dans laquelle les travailleurs sont pleinement impliqués seront particulièrement importants pour développer des plans territoriaux de transition juste. Dans l’évaluation de ces plans, la Commission européenne devrait donc également mesurer la qualité du dialogue social et veiller à renforcer le rôle des partenaires sociaux dans les pays qui présentent des problèmes à ce sujet.

ANNEXE : Implications internes de la révision de la gouvernance économique de l’UE. Rôle des officiers de liaison syndicaux « semestre » (TUSLO).

La révision de l’architecture et du fonctionnement de la gouvernance économique implique la définition de critères et de détails d’ordre technique qui modèleront son cadre opérationnel. Elle combinera le besoin d’une gouvernance fondée sur des règles avec la flexibilité nécessaire pour répondre aux différentes situations dans les États membres.

De tels détails peuvent avoir de fortes implications politiques. Le défi sera d’assurer des décisions équilibrées qui, bien que techniquement complexes, sont pertinentes pour atteindre les objectifs fixés dans le SEDS et son plan d’action. Ces aspects techniques doivent être davantage développés afin de définir des positions de la CES en ayant conscience de leurs implications et avec une capacité renouvelée de maîtriser les interrelations dans tous les domaines d’action.

C’est la raison pour laquelle cette résolution pour une nouvelle gouvernance économique et sociale européenne fixe les objectifs et le champ d’action de la CES tandis que d’autres documents (résolutions, documents de discussion ou analyses techniques) seront présentés au Comité exécutif si et quand nécessaire. La CES propose que les 3 documents suivants soient préparés pour le Comité exécutif de septembre :

  • S’attaquer à la dette publique et privée dans une économie post-pandémie ;
  • Aborder les inégalités et combattre l’injustice sociale par une croissance durable et un travail décent ;
  • Protection sociale : passer d’une approche du vieillissement fondée sur le coût à une approche fondée sur le critère « vieillir dans la dignité ».

Le Secrétariat de la CES développera ces propositions après avoir reçu l’avis des TUSLO et des comités permanents concernés.

Le groupe des TUSLO continuera de coordonner l’action syndicale dans le cadre de la gouvernance économique et sociale de l’UE en mettant un accent particulier sur le semestre européen et la mise en œuvre de la FRR. Il restera aussi responsable des questions portant sur la reprise et la mise en œuvre du SEDS et des ODD en Europe.

Le réseau des TUSLO sera renforcé et rendu plus stratégique. Son action a été réorganisée afin de mieux mettre l’accent sur une reprise riche en emplois, l’équité, la durabilité et la résilience sociale. Ces 4 domaines seront développés pour soutenir une stratégie assurant une influence accrue du mouvement syndical dans la gouvernance économique de l’UE.

Cela implique que les TUSLO auront besoin de nouveaux outils de travail pour répondre à leurs responsabilités. Un nouveau projet va être présenté à la Commission européenne pour le financement des activités des TUSLO durant les 2 prochaines années.

Nous devons néanmoins nous assurer que tous les affiliés de la CES disposent des mêmes chances et capacités pour participer au processus. A ce propos, le fonds européen pour le renforcement des capacités des syndicats nationaux et la rétention des adhérents est ouvert aux demandes de financement d’activités des permanents syndicaux nationaux travaillant sur des questions de gouvernance européenne.

L’équipe semestre de la CES en particulier coordonnera les demandes de chaque organisation membre en s’assurant que celles-ci incluent des jours de travail dédiés aux activités de base du processus de gouvernance et, plus précisément, un total de 110 jours de travail par TUSLO pour couvrir les tâches concernant :

  1. La coordination avec la CES et les départements des syndicats nationaux en charge des dossiers politiques, y compris la communication interne et la formation du personnel (20 jours) ;
  2. La coordination, la collecte et la rédaction des contributions syndicales pour les institutions européennes, y compris concernant la stratégie annuelle pour une croissance durable (20 jours), les rapports par pays (50 jours) et les recommandations spécifiques par pays (20 jours).

ANNEXE 2 : EXIGENCES PRINCIPALES

Exigences principales pour l’architecture de la gouvernance économique

  • Inclure le SEDS dans l’article 148 du TFUE;
  • Introduire des indicateurs non liés au PIB pour mesurer les performances des États membres ;
  • Introduire les stabilisateurs automatiques européens de l’emploi et des dépenses sociales;
  • Une fiscalité européenne pour soutenir l’émission de dette de l’UE et accroître les capacités de l’UE à stabiliser l’économie et assurer le progrès social ;
  • Mettre fin à la concurrence fiscale par l’introduction d’un taux d’imposition des sociétés de 25% minimum ;
  • Mettre fin à l’évasion fiscale en introduisant une série de règles d’imposition des sociétés et une formule de répartition et de réaffectation des droits d’imposition entre États membres ;
  • Remplacer les conditionnalités macroéconomiques par des cadres de partenariat entre Commission et États membres ;
  • Démocratisation de l’architecture de la gouvernance économique et amélioration du rôle du PE et des partenaires sociaux ;
  • Définir une règle européenne pour l’implication des partenaires sociaux dans le semestre et une clause encourageant le dialogue social et protégeant la négociation collective,

Exigences principales dans le domaine budgétaire et économique

  • Maintenir le soutien à l’emploi jusqu’à ce que la pandémie et ses conséquences économiques s’apaisent ;
  • Recours à la clause relative aux circonstances inhabituelles en fonction de chaque pays ;
  • Remplacement des valeurs de référence uniques pour tous les États membres par des outils plus flexibles et des indicateurs non liés au PIB ;
  • Traitement des déficits excessifs et prolongés de la même manière que les excédents prolongés et excessifs ;
  • Coordination des déséquilibres macroéconomiques (PDM) et des règles sociales et budgétaires ;
  • Règle d’or en matière d’investissements publics permettant le financement par la dette des investissements publics nets.

Exigences principales dans le domaine social

  • Faire du SEDS et de son tableau de bord social un outil contraignant et plus efficace pour la gouvernance économique ;
  • Introduction dans le tableau de bord social révisé d’une série d’indicateurs concernant l’aisance économique, le caractère inclusif du marché du travail et la vulnérabilité des travailleurs ;
  • Systèmes de protection sociale réformés soutenus par des stabilisateurs automatiques ;
  • Amélioration du cadre d’action pour une éducation et une formation de qualité et inclusives garantissant également le droit à l’éducation des adultes, la formation des travailleurs et les congés-éducation payés ;
  • Introduction du critère d’éligibilité « vieillir dans la dignité » pour les dépenses publiques ;
  • Introduction d’une procédure de déséquilibre social menant à des recommandations sociales par pays, des mesures correctives pour la mise en œuvre des PRR et un examen approfondi des pays non performants ;
  • Contrôler la mise en œuvre du Green Deal et inclure une politique pour une transition juste dans les plans nationaux.

[1] https://www.etuc.org/fr/document/resolution-de-la-ces-sur-la-fiscalite-et-les-ressources-propres-de-lue

[2] Les accords de partenariat étaient déjà mentionnés dans le « two-pack » et notamment dans l’article 9 du règlement 473/2013.

[3] https://www.etuc.org/sites/default/files/document/file/2021-03/ETUC%20resolution%20on%20EU%20taxation%20and%20own%20resources.pdf

[4] https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/2019-09-10-assessment-of-eu-fiscal-rules_en.pdf

[5] Revisiter les indicateurs sociaux européens : une approche basée sur les besoins du point de vue des travailleurs (lire ici).

[6] https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/strategie-actualisee-en-matiere-de-competences