Alors que seul un comité d’entreprise européen (CEE) sur cinq est effectivement informé et consulté avant qu’une décision transnationale soit prise au sein de l’entreprise, la Confédération européenne des syndicats (CES) continue à plaider en faveur d’une révision de la directive européenne relative aux comités d’entreprise européens. La CES a présenté dix revendications explicites en 2017 dans sa position pour une directive moderne sur le CEE à l'ère du numérique ainsi que dans ses réponses détaillées à la première et seconde phase de consultation des partenaires sociaux. Dans sa résolution d’initiative législative (2019/2183(INL)), le Parlement européen a soutenu la position de la CES à une large majorité. La CES se réjouit donc expressément du fait que la Commission européenne, dans sa proposition de directive modifiant la directive 2009/38/CE en ce qui concerne l’institution et le fonctionnement de comités d’entreprise européens et l’application effective des droits d’information et de consultation transnationales du 24 janvier 2024 (COM(2024) 14 & Annexe), a repris une grande partie de ces revendications qui contribueront à la clarté juridique et à des conditions de concurrence équitables.
Celles-ci comprennent en particulier la définition de transnationalité qui a été précisée en faisant non seulement référence aux travailleurs susceptibles d’être affectés par une mesure envisagée dans au moins deux pays mais aussi aux travailleurs susceptibles d’être affectés par une telle mesure dans un ou plusieurs autres pays. L’accès à la justice a été amélioré et les frais de justice ont été inclus dans la liste des coûts à charge de la direction. Les prescriptions subsidiaires ont été renforcées, particulièrement en prévoyant une deuxième réunion plénière annuelle, la suppression de la limitation à un expert maximum et la référence explicite à l’expert syndical. L’obligation pour le groupe spécial de négociation (GSN) de tenir sa première réunion dans les 6 mois a été reprise.
La prescription en matière de confidentialité a également été mieux définie en y incluant un critère clair et une justification valable pour éviter que la direction déclare de manière aléatoire le caractère confidentiel de certaines informations. Il serait toutefois important d’exiger que les informations présentées comme étant confidentielles puissent être partagées avec les représentants des travailleurs au niveau national et local, une consultation sérieuse ne pouvant avoir lieu sans un tel échange. Compte tenu de ces améliorations ainsi que d’autres, la CES estime que la proposition constitue une base saine. Elle doit cependant être encore renforcée afin que les CEE puissent effectivement exercer et faire valoir leurs droits.
Bien que la Commission européenne ait identifié son exécution comme étant une composante essentielle de sa proposition, elle ne l’a pas adéquatement abordée : les violations par la direction sont actuellement sanctionnées par des « amendes » ridiculement basses qui ne sont ni proportionnées, ni dissuasives. La CES appelle à des sanctions financières basées sur le chiffre d’affaire à hauteur des 2% du chiffre d’affaire annuel mondial total exigés par le Parlement européen. En outre, s’agissant des prérogatives syndicales nationales, la CES considère l’introduction du recours en injonction comme étant la mesure la plus efficace ayant pour effet qu’une décision de la direction doit être suspendue jusqu’à ce que les droits à l’information et à la consultation du CEE aient été respectés. Des exemples nationaux montrent que l’injonction a l’effet dissuasif souhaité et amène les entreprises à se conformer à la loi. Afin de faire pièce à de fausses allégations, la CES fait remarquer que l’instauration de l’injonction n’introduit nullement des éléments de codétermination. Elle garantit simplement la conformité avec la loi en matière de droits à l’information et à la consultation, rien de plus.
La possibilité pour les CEE de recourir à un expert syndical actuellement mentionnée dans les prescriptions subsidiaires comme une disposition « optionnelle » doit être une disposition « impérative » reprise dans le corps juridique de la directive.
La CES regrette que la Commission n’ait pas suivi sa proposition d’inclure les entreprises franchisées dans le champ d’application de la directive. Cela a pour conséquence que des multinationales géantes n’établissent pas de CEE. La CES note les inquiétudes d’ordre pratique de la Commission. Elle a toutefois proposé des alternatives à prendre en considération.
Les sujets énumérés dans les exigences subsidiaires, sur lesquels le CEE doit être informé et consulté, doivent être adaptés aux circonstances actuelles. La CES souligne la nécessité d'informer et de consulter également le CEE sur les conditions de travail et d'emploi dans les chaînes de sous-traitance et les différents modèles économiques tels que la franchise, les plans de transition climatique, les politiques de compétences et de formation, ainsi que sur le développement et la mise en œuvre d'une politique, d'un plan et d'une stratégie efficaces en matière de diligence raisonnable tels que prévus par la directive sur le devoir de diligence en matière de durabilité des entreprises (CSDDD).
La CES se réjouit de la suppression de toutes les exemptions. Cela ouvre la voie aux entreprises ayant ce qu’on appelle un accord pré-directive de mettre en place un CEE conformément à la directive CEE. La Commission n’a toutefois pas proposé la moindre mesure pour assurer que ces accords pré-directive ne tombent pas dans un vide juridique créant de facto une incertitude et une imprévisibilité juridiques. Dès lors, la CES plaide en faveur de dispositions de manière à ce que les accords pré-directive soient conservés dans le droit national en cas de consentement mutuel et qu’il y ait une obligation directement applicable ayant un effet ultérieur en cas de demande de négociations conformément à l’article 5 de la directive.
La Commission européenne est d’avis que les nouvelles exigences de la directive amendée ne peuvent être automatiquement appliquées à tous les accords de CEE et qu’en conséquence l’ensemble des 750 accords relevant actuellement de son champ d’application devraient être renégociés. La CES est en total désaccord avec cet avis, en particulier parce qu’il ne constitue pas une nécessité juridique. La CES rappelle qu’après la refonte de 2009, la Commission et le groupe d’experts qu’elle avait elle-même constitué ont expressément adopté une position juridique différente selon laquelle les dispositions améliorées de la nouvelle directive sont automatiquement applicables à tous les accords. La CES estime que cette argumentation reste valable aujourd’hui.
Bien que la CES reconnaisse les avantages de réunions virtuelles dans certaines situations, l’importance de réunions en face à face par rapport aux réunions virtuelles a été démontrée, en particulier pour un organe où la confiance, quoiqu’importante, n’est pas un acquis et doit se construire au fil du temps. Le principe selon lequel les réunions doivent avoir lieu en personne doit être maintenu. Le CEE doit avoir le droit de décider de la forme de la réunion respectivement en fonction de ses besoins. La proposition de la Commission pour davantage de réunions virtuelles doit donc être rejetée. La CES propose un comité de suivi tripartite permanent pour identifier à un stade précoce les problèmes portant sur la transposition en droit national et développer des solutions conjointes.
La CES soutient activement le processus législatif en travaillant en étroite coordination avec ses affiliés dans le cadre de la prochaine campagne électorale européenne afin de s’assurer que les membres actuels et futurs du Parlement européen se prononcent pour une directive CEE solide et effective qui répond aux exigences de la CES et renforce les droits des travailleurs.
Dans ce contexte, la CES soutient avec vigueur le Parlement européen dans son intention de clôturer son rapport par un mandat trilogue dans la 9ème législature en cours. La CES en appelle à la Présidence belge et au Conseil pour finaliser le mandat du Conseil de telle sorte que le trilogue puisse commencer immédiatement après que le 10ème Parlement européen ait été constitué.