Bruxelles, 27/09/2008
La crise financière internationale doit constituer un tournant et provoquer un changement complet dans la façon dont le monde financier fonctionne. Le modèle dominant du capitalisme financier est sur le point de s’effondrer. Ce capitalisme, libéré de tout contrôle il y a 25 ans, notamment aux Etats Unis, a été utilisé comme le modèle à suivre dans le reste du monde. Il a traité de haut la grande majorité tout en les exploitant pour le bénéfice de quelques uns, après des années de privatisations, de déréglementation et de marchés sans limites.
Aujourd’hui, les excès du capitalisme casino l’ont presque conduit à sa ruine – menaçant l’économie réelle. En effet, l’économie européenne vit dans la crainte d’être touchée par le tsunami financier arrivant d’outre-Atlantique, en dépit de la relative solidité, jusqu’à présent, de la zone euro. Le gouvernement américain rassemble péniblement des centaines de milliards de dollars pour sauver les banques de leur propre folie ; la crise du crédit étrangle le financement du secteur industriel car les banques stockent l’argent pour se protéger. La récession menace.
Qu’une chose soit bien claire. Cette crise a été causée par l’avidité et l’imprudence de Wall Street, de Londres et des autres principales places financières. Les grands patrons ont autorisé la spéculation à une large échelle sur des investissements auxquels ils ne comprenaient pas grand chose. Les spéculateurs ont exacerbé les sérieuses augmentations observées sur les prix du pétrole, des denrées alimentaires et des matières premières. Il y a beaucoup de perdants, et parmi eux des travailleurs du secteur financier, mais pas seulement, il y a également des retraités, des familles, des fournisseurs, des entreprises cherchant du capital d’investissement, et chacun de nous, en tant que contribuable doit payer les pots cassés. Les coûts du sauvetage américain sont énormes et l’engagement des banques centrales, dans le monde entier, a déjà été substantiel. Cela prendra des années avant de récupérer cet argent, si l’on y arrive un jour, et notre future capacité de financer des services publics de qualité est sérieusement compromise.
Aujourd'hui, il s'agit de prendre un véritable tournant. L’irresponsabilité des banques, des hedge funds et du reste, ne doit plus jamais amener les nations au bord de la faillite. Plus jamais non plus, l’argent du contribuable ne devra servir à soutenir des institutions qui continuent à payer grassement ses grands patrons, au moyen de salaires et de bonus énormes. Plus jamais la valeur de l’action, et les bonus des managers, qui sont liés à ces actions, ne devront être le seul objectif des sociétés. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir se répeter cette grave irresponsabilité, cette avidité et cette négligence.
La CES en collaboration avec la Confédération syndicale internationale, UNI-Europa, représentant les travailleurs du secteur bancaire, et d’autres, travaille à apporter une réponse syndicale à cette crise. Mais, il est d’ores et déjà clair pour nous qu’il y a un besoin urgent de mettre en place les mesures suivantes :
• injections d’argent public dans les institutions financières à condition qu'il y ait un contrôle public et, ce faisant, un changement fondamental de comportement ;
• un contrôle plus étroit sur la capacité des institutions financières à s'endetter, en renforçant les ratios de capital propre ;
• une réglementation efficace aux niveaux européen et international. Cette nécessité s'impose car l'échelle du capitalisme financier dépasse le cadre des nations. Une agence européenne de notation est nécessaire ;
• une action gouvernementale qui assure que des fonds soient disponibles pour investir dans l’économie réelle (industrie, manufacture), les technologies et les emplois verts, et le développement durable ;
• une aide en direction des travailleurs touchés, des ménages menacés d’expulsion, des retraités risquant la pauvreté arrivés à un âge avancé, des entrepreneurs cherchant à investir. Il n’est pas juste que les principaux bénéficiaires soient précisèment ceux qui ont causé le désordre ;
• une réponse européenne à la crise qui se déploie dans l’économie réelle dans le but d’éviter un bouleversement financier qui encore aurait d’autres répercussions. Eviter également un retour de l’approche « sauve qui peut au détriment des autres», par une modération compétitive des salaires et une réduction des systèmes de protection sociale qui portent préjudice aux travailleurs et à leurs familles ;
• un retour urgent d’attention aux politiques publiques, et à la question des inégalités salariales. C’est l’inégalité et la faible évolution des salaires qui conduisent les ménages à s’endetter par le biais de techniques financières à risque.
Compte tenu de ces éléments, la CES appele l’Europe à se battre pour les droits des travailleurs, pour des emplois stables, un système solide de négociations collectives, indépendant et non subordonné aux tribunaux et aux juges.