Examen annuel de la croissance 2016 – pour une Europe au service des travailleurs et des citoyens (position de la CES)

Introduction

Ce document présente les vues et les priorités du mouvement syndical européen pour l’Examen annuel de la croissance 2016 et le Semestre européen. Il est basé sur les commentaires exprimés lors de la réunion de consultation du 23 septembre 2015 entre la Commission européenne et les partenaires sociaux européens.

Outre une aggravation des problèmes existants, la crise économique et ses effets persistants ont sans conteste eu des conséquences profondes et divergentes sur les économies européennes, les marchés du travail et le cadre social. L’analyse de la situation et des défis faite par la Commission est souvent exacte même s’il faut constater une réticence générale à reconnaître que nombre des décisions politiques poursuivies ont ralenti la relance et contribué à la crise de l’emploi et à la situation sociale actuelle. Il n'y a pas non plus une reconnaissance du fait qu'il existe une quantité énorme de capacités inemployées que l'UE ne parvient pas à déployer et qui engendre un coût humain élevé.

Dans son discours sur l’état de l’Union[1] au Parlement européen le 9 septembre 2015, le Président Juncker admettait que la crise n’est pas terminée mais qu’elle a simplement marqué une pause. Bien que la reprise économique se poursuive, elle reste fragile et trop faible pour faire face aux nouveaux problèmes qui se profilent déjà à l’horizon (crise des marchés émergents, ralentissement du commerce mondial). L’investissement aussi est insuffisant et, bien qu’une certaine amélioration se manifeste au plan du chômage et de la situation sociale, la qualité de l’emploi est une préoccupation majeure et les niveaux d’inégalités et de pauvreté sont toujours inacceptables.

La CES prend note de l’intention de la Commission de maintenir la continuité de son approche pour le prochain EAC. L’accent mis sur l’investissement en tant que priorité clé dans l’EAC 2015 constituait un pas bienvenu dans la bonne direction. La CES a réclamé une Nouvelle voie pour l’Europe[2] s’accompagnant d’un ambitieux programme européen d’investissement pluriannuel en faveur d’une croissance durable et d’emplois de qualité. Le plan d’investissement pour l’Europe (le « plan Juncker d’investissement ») y répond en partie. Cependant, les mesures actuelles n’atteignent pas le niveau d’engagement nécessaire tel qu’identifié par la CES dans ses propres propositions. Des efforts supplémentaires sont dès lors nécessaires.

La CES reste très critique à l’égard de la politique de la Commission portant sur un soi-disant « assainissement budgétaire axé sur la croissance » et de son agenda déséquilibré de réformes structurelles. Une austérité persistante, même formulée en termes d’assainissement budgétaire, risque fort de saper les efforts d’investissement et d’entraver la relance. Une évaluation correcte des résultats des réformes structurelles mises en œuvre jusqu’à présent montre que celles-ci ont considérablement contribué à affaiblir le modèle social européen et, dans la foulée, la confiance des citoyens dans le projet européen.

Sauvegarder la relance et la transformer en une « relance structurelle »

La relance reste fragile mais la compétitivité n’est pas le problème

L’économie européenne croît à nouveau depuis le milieu de l’année 2013 mais le schéma de la relance, singulièrement dans la zone euro, reste décevant. La relance économique est extrêmement lente : sept ans après le début de la crise financière, l’activité économique n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise (voir graphique ci-dessous). Ce n’est pas normal : une Grande dépression devrait être suivie d’une Grande relance, pas d’une Grande stagnation comme c’est le cas dans la zone euro.

Alors que la demande de consommation est restée stagnante pendant toutes ces années, les exportations ont sauvé la situation car la demande à l’exportation a été le seul moteur de la relance. Cela remet sérieusement en question l’idée selon laquelle les États membres souffrent d’un manque de compétitivité. Si c’était le cas, les exportations n’auraient pas fait preuve d’autant de dynamisme et la zone euro n’aurait pas enregistré un tel excédent de sa balance commerciale avec le reste du monde, excédent qui atteint maintenant le niveau record de 3,5% du PIB de la zone euro (1,9% du PIB des 28 pays de l’UE).

Pendant ce temps, l’investissement s’est effondré et ne montre aucun signe ou seulement de très faibles signes de relance malgré le fait que, au cours des dernières années, pratiquement tout – qu’il s’agisse des salaires, du droit du travail ou encore des allocations de chômage – a été soumis à des réformes structurelles parfois brutales. Cela jette le doute sur cet autre aspect de la sagesse européenne conventionnelle qui veut que les réformes structurelles relanceront l’économie en relançant les investissements des entreprises.

De plus, des risques à la baisse de la relance apparaissent une nouvelle fois à l’horizon, risques qui sont le résultat direct des choix politiques que l’Europe a posés :

  • avec un excédent annuel de son commerce extérieur de 3,5% du PIB, la zone euro, année après année, prive l’économie mondiale de plus de 300 milliards d’euros de demande globale et contribue ainsi aux déséquilibres mondiaux. Les bouleversements qui aujourd’hui affectent les marchés émergents (activité économique en court-circuit en raison d’un accroissement excessif de la dette, dépréciations monétaires en série), la fin de l'assouplissement quantitatif et la menace d'une hausse des taux d'intérêt aux États-Unis ne peuvent être considérés comme étant sans rapport aucun avec les choix politiques européens. L’Europe, et la zone euro en particulier, ne peut continuer à se décharger de ses problèmes et à vivre aux dépens du reste du monde.
  • de nombreuses économies européennes continuent à fonctionner à la limite de la déflation. Les réformes structurelles, particulièrement celles qui touchent aux systèmes de formation des salaires et de négociation collective, en sont en grande partie responsables car elles ont créé une situation dans laquelle le rééquilibrage interne de la zone euro a entraîné la dynamique salariale – singulièrement dans les pays en crise – dans une spirale déflationniste générant ainsi une dynamique des coûts salariaux moyens de la zone euro très en-dessous de l’objectif de stabilité des prix de la BCE.

Il faut noter que, dans la majorité des États membres européens, comme dans l’ensemble de l’Europe, la croissance est dépendante des salaires. En faisant baisser la demande globale, la réduction de la part des salaires dans le PIB contribue à une baisse de l’activité économique tandis qu’une augmentation de la part du travail pousse l’économie vers le haut. Des simulations montrent qu’une augmentation coordonnée de la part des salaires dans les pays de l’UE-15 au cours des cinq prochaines années pourrait augmenter le PIB réel de 1,5 à 3,15%[3].

La nécessité d’un plan d’investissement renforcé

L’Europe a besoin d’une croissance beaucoup plus forte mais aussi d’une croissance qui devienne structurelle en développant sa propre dynamique et sa propre force. Pour y parvenir, un plan d’investissement renforcé et un agenda de réformes donnant priorité à la création d’emplois de qualité s’imposent d’urgence.

Bien que le plan d’investissement pour l’Europe soit un début, il est loin de répondre à la demande de la CES d’un investissement annuel à hauteur de 2% du PIB de l’UE durant les 10 prochaines années. Ce plan d’investissement ne reconnaît pas non plus la nécessité de soutenir l’investissement public, l’accent étant principalement mis sur le recours aux fonds privés. Des services publics de qualité doivent soutenir la croissance économique. L’investissement public doit également être stimulé dans les services tels que l’éducation, la santé, les services sociaux, le logement et les transports publics. Il doit aussi profiter aux travailleurs du secteur public responsables de la prestation de ces services, et notamment les services publics pour l’emploi qui sont essentiels pour aider les personnes à retrouver du travail.

Pour produire un maximum de bénéfices, le plan d’investissement doit véritablement être « européen ». Afin de créer de la valeur ajoutée et de répondre aux situations divergentes en matière d’économie et d’emploi dans les différents États membres, une approche paneuropéenne des projets d’investissement est nécessaire et la priorité doit être donnée aux investissements en faveur des États membres et des régions les plus touchés par la crise ainsi qu’à ceux d’entre eux disposant de moindres ressources internes.

L’actuel plan d’investissement doit être suivi de près pour voir s’il donne lieu à des investissements supplémentaires ou s’il sert seulement à financer des projets d’investissement qui auraient de toute façon été mis en œuvre. Les projets doivent également être suivis pour vérifier s’ils répondent bien aux objectifs généraux, notamment quant à leur contribution en termes de valeur sociétale et économique élevée conformément à l’agenda politique de l’UE. Une attention particulière doit être accordée aux projets de financement qui concernent le capital humain[4], ainsi que ceux qui soutiennent la transition vers une économie plus verte.

Un agenda politique pour des emplois de qualité et une société plus juste

La création d’emplois de qualité doit être une priorité clé de l’EAC 2016 et orienter les recommandations par pays. Emplois précaires et inégalités croissantes généreront une relance précaire. Il faut accorder plus d’attention à la création d’emplois bien rémunérés et aux contrats de travail stables qui stimuleront la demande globale (et les investissements des entreprises) et soutiendront donc également une relance auto-entretenue.

La situation de l’emploi reste critique en Europe même si les statistiques récentes semblent encourageantes. Outre la simple création d’emplois, le défi est de s’assurer que les emplois qui sont créés sont de qualité et permettent aux personnes d’avoir un niveau de vie décent et contribuent à leur bien-être tout en soutenant une économie solide.

Augmenter la participation des femmes sur le marché du travail est essentiel pour atteindre les objectifs d'emploi d'Europe 2020 et pour renforcer la croissance économique. Cela nécessite des investissements dans les soins des enfants et des personnes âgées, ainsi que des mesures pour améliorer l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Des efforts supplémentaires pour supprimer l'écart de rémunération entre hommes et femmes et éliminer les obstacles sur le marché du travail sont indispensables.

La CES observe avec intérêt que l’introduction début 2015 d’un salaire horaire minimum de 8,5 euros en Allemagne n’a pas débouché sur les pertes d’emplois que d’aucuns avaient prédites. Au contraire, la dynamique de création d’emplois se maintient et le chômage a même diminué durant la première moitié de l’année à un rythme plus soutenu qu’avant. La conséquence du salaire minimum n’a pas été une dégradation de l’emploi mais des salaires plus élevés pour les travailleurs qui en ont le plus besoin et une contraction du secteur des bas salaires et de ses contrats de travail précaires[5].

La mondialisation, l’innovation et les changements technologiques, les tendances démographiques et la transition vers une économie plus verte ont un profond impact sur le marché du travail. Pour répondre à ces défis, les marchés du travail doivent s’adapter par des politiques qui saisissent les opportunités qui se présentent tout en ne laissant personne à la traîne. La CES est prête à soutenir des politiques qui conduisent à des résultats positifs pour les travailleurs, les entreprises et la société en général. Elle continuera toutefois à s’opposer à un agenda de réformes déséquilibré qui reporte principalement sur les épaules des travailleurs la charge qu’implique une meilleure compétitivité des économies européennes.

Les décisions politiques concernant le type de réformes qui produiront une économie compétitive et productive soutenue par des emplois de qualité et une main-d’œuvre bien qualifiée et qui veillent au progrès social pour tous doivent être basées sur une analyse correcte et effective de l’impact, y compris l’impact social, des réformes menées jusqu’à présent. De nombreuses réformes du marché du travail dont le but était de stimuler la compétitivité et la création d’emplois n’ont eu que peu d’impact sur l’augmentation de la productivité ou une plus grande inclusion et limiteront la croissance économique à long terme.

Les réformes structurelles et les politiques du marché du travail doivent être négociées avec les syndicats et respecter les accords des partenaires sociaux. Les États membres qui ont mené ces réformes en consultation et après négociation avec les partenaires sociaux ont enregistré davantage de résultats positifs. Cependant, dans un trop grand nombre de cas, les réformes ont été imposées sans aucun dialogue social, ou sans dialogue social adéquat, et sans égard pour leurs conséquences négatives pour les travailleurs et les membres les plus vulnérables de la société.

Une politique de réformes structurelles visant à établir des marchés du travail très flexibles ne crée pas de nouveaux emplois (nets). On ne trouve dans la littérature que peu voire aucune preuve convaincante montrant qu’un marché du travail flexible améliore l’emploi ou influe sur le taux de chômage. Ni que la flexibilité des marchés du travail soit bonne pour l’innovation ou la productivité. Des études récentes du FMI n’établissent aucun lien entre (dé)régulation du marché du travail et innovation[6].

Plutôt que de poursuivre une décentralisation désorganisée de la négociation salariale, des systèmes de négociation salariale coordonnée, qui ont produit de bons résultats en matière d’emploi, doivent être restaurés et défendus. Investir dans des politiques actives du marché du travail qui encouragent la formation et les compétences est nécessaire et urgent.

Les problèmes liés à un marché du travail dual (inégalités et discrimination, dépréciation du capital humain et manque d’incitants à l’innovation) doivent être résolus en améliorant les droits et les conditions de travail des travailleurs atypiques et non en dérégulant la protection et les droits de tous les travailleurs, ce qui dévalorise les emplois stables pour en faire des emplois précaires.

Le développement des compétences est essentiel pour une croissance plus forte mais réduire les écarts entre les différents niveaux de protection liés aux emplois permanents et aux emplois temporaires en réduisant la sécurité de tous les travailleurs ne répondra pas aux défis que posent une plus grande productivité et une main-d’œuvre plus qualifiée. Le rapport de l’OCDE Tous concernés : Pourquoi moins d'inégalité profite à tous[7] pointe également la part de plus en plus grande d’emplois atypiques comme étant une importante source d’inégalités et un obstacle à une croissance économique à long terme.

La CES n’acceptera jamais que la précarité devienne la nouvelle « norme » et nous rappellerons au Président Juncker l’engagement qu’il a pris lors du 13ème Congrès de la CES de créer une société que nous pouvons tous partager, y compris un socle européen de droits sociaux[8].

Le retour du modèle de flexicurité

La CES prend note du regain d’enthousiasme pour un modèle « européen » de flexicurité. Pour beaucoup de travailleurs partout en Europe, il semblerait que, bien que l’on attende d’eux qu’ils acceptent la flexibilité dans les bons et les mauvais moments, leur sécurité n’est qu’un ami des beaux jours. L’expérience de nombreux travailleurs est que, bien qu’on leur dise, et qu’ils sont trop fréquemment forcés d’accepter, de troquer leur sécurité d’emploi contre la flexibilité en échange d’une stabilité de l’emploi et du marché du travail (investissement dans des politiques actives du marché du travail, apprentissage tout au long de la vie et systèmes de sécurité sociale modernes), il y a en réalité souvent trop peu de mesures de protection compensatoires.

Pire encore, durant les années de crise, la flexicurité a, dans la pratique, été synonyme de moins de sécurité d’emploi ainsi que de moins de stabilité du marché du travail s’accompagnant d’un affaiblissement des systèmes d’allocations de chômage et d’une chute des dépenses par habitant relatives aux politiques actives du marché du travail. Etant donné que l’accent est toujours mis sur l’« assainissement » budgétaire, et sur base de l’expérience passée, la CES doute que les États membres assumeront le niveau d’investissement nécessaire pour garantir une véritable sécurité aux travailleurs.

Situation sociale et inégalités

Pauvreté et inégalités ont atteint des niveaux inacceptables en Europe et affectent tant les personnes qui travaillent que celles qui sont exclues du marché du travail. Ce n’est pas là une conséquence inévitable de la crise mais bien celle de décisions politiques favorisant l’austérité et des politiques fiscales injustes qui ont pour résultat que les personnes plus pauvres paient plus tandis que les mieux nantis continuent à éluder l’impôt. Dans son rapport Une Europe au service de la majorité, et non d'une élite[9], Oxfam fait à juste titre remarquer que « dans l'UE, la pauvreté ne relève pas de l'épuisement des ressources, mais de la façon dont les ressources (revenus et richesses) sont partagées ».

C’est un triste signe des temps que, dans l’Europe du 21ème siècle, avoir un emploi n’est plus la garantie de sortir de la pauvreté ou le meilleur moyen d’assurer l’inclusion sociale. L’augmentation la plus remarquable du niveau de pauvreté se constate parmi les personnes en âge de travailler, y compris celles qui ont un emploi. Dans ses Perspectives de l’emploi 2015, l’OCDE lance un sérieux avertissement quant au fait que le temps commence à manquer pour empêcher que des millions de travailleurs soient piégés au bas de l’échelle, « enlisés dans un chômage chronique ou alternant entre chômage et emplois peu rémunérés et précaires »[10].

Education et formation

L’Europe a besoin d’une main-d’œuvre bien formée et qualifiée pour réaliser son potentiel économique. Les réformes des systèmes d’éducation ne doivent toutefois pas seulement être envisagées dans le contexte des besoins du marché du travail mais aussi dans le contexte plus large des besoins sociétaux. Les réformes mettant l’accent sur les compétences doivent donner la priorité tant au relèvement du niveau de connaissances et de qualifications qu’à la diminution de l’écart grandissant entre les personnes peu qualifiées et celles de haut niveau. C’est une nécessité non seulement pour la croissance économique mais aussi pour soutenir le progrès social et l’inclusion.

Dans le but de réduire les dépenses publiques, une majorité d’États membres ont procédé à des coupes à courte vue dans le financement de l’éducation nuisant ainsi à un enseignement de qualité, mettant la pression sur les rémunérations, les conditions de travail et le développement professionnel des enseignants et augmentant les dispositions contractuelles précaires pour les enseignants et le personnel éducatif. Bien que l’investissement dans le secteur de l’éducation soit aujourd’hui en hausse, le niveau de financement de l’éducation est désastreux comparé à la situation d’avant-crise. Une stratégie d’investissement plus large doit couvrir le cycle d’éducation et de formation dans sa totalité, englobant tous les secteurs de l’apprentissage tout au long de la vie, de la formation par le travail et sur le lieu de travail ainsi que de l’éducation formelle et non formelle. Des investissements dans l'enseignement supérieur sont particulièrement importants pour les pays avec un PIB bas.

Le développement des compétences et des connaissances doit aller de pair avec une participation active des partenaires sociaux et tenir compte de la nécessité d’anticiper le changement. Là où les partenaires sociaux ont été impliqués dans les consultations pour le semestre européen, les réformes menées en matière d’éducation et de formation ont été couronnées de succès.

Les enseignants et le personnel éducatif portent la responsabilité la plus lourde quant aux résultats du système éducatif. Ils possèdent les compétences et l’expertise nécessaires pour élaborer les programmes scolaires et il faut respecter cela. L’implication des partenaires sociaux dans la conception des programmes pour l’enseignement et la formation professionnels (EFP) contribuera à assurer que les besoins du marché du travail sont correctement pris en compte. La coopération entre entreprises, représentants des travailleurs et institutions d’EFP doit être renforcée en particulier concernant les apprentissages de qualité et la formation par le travail et sur le lieu de travail. Le développement des programmes doit être basé sur une approche favorisant les résultats d’un enseignement et d’une formation de qualité en phase avec les besoins sociétaux et les impératifs d’employabilité.

Mobilité de la main d’œuvre

La libre circulation des travailleurs est un droit fondamental de l’UE que les travailleurs doivent pouvoir exercer librement et équitablement. La mobilité de la main-d’œuvre est de plus en plus encouragée en tant que mécanisme d’ajustement économique. Bien que la mobilité de la main-d’œuvre puisse être une solution temporaire pour répondre à des niveaux d’emploi élevés dans un État membre ou une région, la CES insiste pour que les conséquences à moyen et à long terme soient prises en compte.

La CES salue l’engagement formel du Président Juncker de s’attaquer au dumping social et sa défense du principe de salaire égal pour un travail égal sur un même lieu de travail. La CES insiste sur des politiques fondées sur le droit en matière d’égalité de traitement et de mobilité de la main-d’œuvre ainsi que sur le respect des conventions collectives. De nombreux États membres parmi ceux qui ont été le plus durement touchés par la crise ont connu des départs massifs de jeunes souvent hautement qualifiés. Les conséquences de cette « fuite des cerveaux » sont d’ores et déjà évidentes dans plusieurs pays confrontés à une pénurie de compétences dans certains secteurs. Ces niveaux élevés de migration auront aussi un impact négatif durable sur les systèmes sociaux de ces États membres, et en particulier sur la sécurité sociale, les pensions et les soins de santé.

La situation des réfugiés

Les dirigeants européens doivent s’attaquer à l’augmentation considérable du nombre de réfugiés en encourageant la solidarité et l’unité et affronter les incertitudes liées à la capacité de certains États membres de faire face à la situation. Un élément clé sera ici de prendre les mesures adéquates pour aider les réfugiés à s’installer, y compris en s’assurant que les services publics ont suffisamment de moyens et en anticipant bien à l’avance les besoins afin de faciliter leur transition en douceur vers le marché du travail.

Dans le cadre de cette transition vers le marché du travail, les compétences et aptitudes existantes doivent être identifiées. Les partenaires sociaux réunis au sein d’une plateforme européenne de dialogue sur la migration avec la Commission peuvent également jouer un rôle important pour faciliter l’intégration des migrants, notamment dans le marché du travail. Un partenariat social peut aussi contribuer à l’activation de mesures portant sur la reconnaissance des compétences.

Le risque existe de voir de nombreux demandeurs d’asile tomber en situation irrégulière, ce qui peut ensuite mener à des emplois irréguliers et entraîner des effets perturbateurs sur le marché du travail. Des mesures doivent être prises, y compris l’élaboration d’un plan coordonné pour des visas humanitaires pour éviter une explosion du travail non déclaré qui pourrait empêcher une intégration harmonieuse des demandeurs d’asile et des réfugiés.

Renforcer la gouvernance économique et sociale

La CES souligne l’importance du rôle des partenaires sociaux pour parvenir à coordonner une politique économique basée sur une approche approfondie et complète au lieu de plusieurs mesures déséquilibrées. Elle insiste également pour que la consultation des partenaires sociaux ne se limite pas simplement à écouter leurs avis mais pour qu’il en soit tenu compte afin de garantir l’équilibre des décisions et recommandations politiques ultérieures et de faire en sorte que celles-ci reflètent équitablement les intérêts des travailleurs et des employeurs ainsi que l’intérêt général.

Le Rapport des cinq Présidents présente des propositions pour un semestre européen plus intégré s’accompagnant d’un processus plus particulier pour la zone euro. Dans ce contexte, la CES propose que des discussions de haut niveau soient organisées entre les partenaires sociaux et les ministres des finances de l’Eurogroupe. En outre, si des réunions informelles des ministres du travail de la zone euro sont organisées, il faut que la CES et les autres partenaires sociaux y soient associés en qualité de participants à part entière.

La CES est confortée par l’attention accrue portée par la Commission à la dimension sociale de la gouvernance économique et salue la décision de la Présidence luxembourgeoise de mettre l’accent sur cette question lors du conseil EPSCO informel en juillet 2015. Une majorité des États membres a reconnu la nécessité de renforcer la dimension sociale, admettant que les déséquilibres sociaux peuvent avoir des conséquences négatives et qu’il faut donc s’y attaquer.

Des mesures concrètes doivent être prises pour s’assurer que les questions sociales soient correctement intégrées dans le cadre de la gouvernance de l’UE. Cela devrait permettre que les conséquences négatives soient prises en compte et que les politiques soient corrigées en amont ou que des mesures d’atténuation appropriées soient adoptées pour prévenir une dégradation de l’emploi et de la situation sociale. La Commission a déjà exprimé son intention de développer des critères sociaux de référence qui pourraient être utilisés pour orienter les recommandations par pays. Ceux-ci doivent être définis en pleine consultation avec les partenaires sociaux européens.

Implication des partenaires sociaux dans le processus du Semestre européen

La CES salue les efforts de la Commission européenne pour relancer le dialogue social. Les partenaires sociaux doivent être consultés sur toutes les questions qui ont un impact « direct ou indirect » sur l’emploi et les marchés du travail comme cela a été convenu au niveau européen avec les employeurs dans la « Déclaration commune sur l’implication des partenaires sociaux européens dans la gouvernance économique »[11]. Le dialogue social est toujours sous tension dans différents États membres. Soutenir le renforcement des capacités des partenaires sociaux et encourager des relations économiques et sociales solides doivent rester prioritaires afin d’instaurer un dialogue social effectif à tous les niveaux. La CES est également déterminée à favoriser la coordination interne entre syndicats, que ce soit au niveau européen, national ou sectoriel, pour améliorer notre capacité à participer aux différentes étapes du processus du semestre européen.

Les efforts entrepris par la Commission et le Comité de l’emploi (EMCO) pour consulter les partenaires sociaux européens aux étapes clés du semestre européen sont appréciés. Malgré les contraintes imposées par le calendrier du semestre, l’approche simplifiée lancée en 2015 constitue un progrès et offre à la CES et à ses membres une opportunité de donner leurs avis sur les rapports par pays et les recommandations par pays qui en découlent.

La situation au niveau national reste peu satisfaisante. La CES prend note du déploiement par la Commission de responsables du semestre européen dans les États membres dont on espère une amélioration des flux d’informations et de la précision des données présentées dans les rapports par pays. Une approche cohérente doit être assurée et une répétition inutile évitée entre le processus au niveau national et au niveau européen. Durant les réunions de consultation nationales, le rôle spécifique des partenaires sociaux en tant qu’acteurs et experts du marché du travail doit être reconnu et leurs avis devraient être rendus public et suivis.

La CES soutien l’implication accrue des parlements européen et nationaux dans la gouvernance économique et le semestre européen. Il est important que les parlements européen et nationaux soient également informés des positions des partenaires sociaux et organisent un dialogue structuré à cet effet. Le Parlement européen devrait inviter les partenaires sociaux européens à prendre part aux discussions avec la Commission concernant l’Examen annuel de la croissance et avec les parlements nationaux concernant le semestre européen au cours de la semaine parlementaire européenne.

 


[1]  L’état de l’Union en 2015 : Le moment de l'honnêteté, de l'unité et de la solidarité

[2] Une nouvelle voie pour l’Europe : Plan de la CES pour l’investissement, une croissance durable et des emplois de qualité

[3] Wage led Growth in the EU15 Member States, Onaran & Obst, FEPS, 2015

[4] L’OIT a estimé que réserver 5% de l’investissement total à l’amélioration des compétences ajouterait 100.000 emplois supplémentaires aux 2 millions d’emplois que le plan d’investissement pourrait générer moyennant une étude et une répartition des fonds correctes. Voir Une stratégie d'investissement orientée vers l'emploi pour l'Europe, OIT janvier 2015.

[5] https://www.socialeurope.eu/the-german-minimum-wage-is-not-a-job-killer

[6] Perspectives de l'économie mondiale, chapitre 3, FMI avril 2015 (points de presse en français pour le chapitre 3 disponibles sur : https://www.imf.org/external/french/pubs/ft/weo/2015/01/pdf/sumf.pdf)

[7] Tous concernés : Pourquoi moins d'inégalité profite à tous

[8] L´Europe sociale, réformes et solidarité / Discours du Président Juncker pour la Confédération européenne des syndicats, 13ème Congrès (texte en français) ; http://ec.europa.eu/avservices/video/player.cfm?ref=I109287 (vidéo en anglais)

[9] Une Europe au service de la majorité, et non d'une élite, Oxfam 9 septembre 2015

[10] Perspectives de l'emploi 2015 de l'OCDE Editorial (résumé disponible en 24 langues sur : http://www.oecd.org/fr/emploi/perspectives-de-l-emploi-de-l-ocde-19991274.htm)

[11] https://www.etuc.org/fr/d%C3%A9claration-des-partenaires-sociaux-europ%C3%A9ens