Le Comité de direction de la Confédération européenne des syndicats (CES) a, lors de sa réunion du 20 avril à Bruxelles, discuté des résultats du référendum turc du 16 avril sur les réformes de la Constitution adoptées par l’Assemblée Nationale le 21 janvier.
La CES a pris note des résultats déclarés du référendum, mais a exprimé ses plus vives préoccupations face au climat de tension constaté avant la consultation, aux changements profonds proposés de la constitution, à la très courte majorité et aux accusations de fraudes (notamment plusieurs centaines de milliers de bulletins non cachetés ajoutés lors du comptage, en contradiction avec la loi).
La CES a aussi entendu les premiers commentaires des observateurs étrangers. Dans leur rapport préliminaire, les représentants du Conseil de l’Europe ainsi que de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe tendent à confirmer les craintes de l’APCE, exprimées fin janvier dernier, que la légitimité globale du processus – et de la nouvelle Constitution – puisse être remise en question, vu « les nombreuses mesures prises en vertu de l’état d’urgence et les restrictions qui pèsent en conséquence sur les libertés fondamentales en Turquie ». La CES attend donc entre autres les rapports finaux des observateurs étrangers ainsi que les résultats d’éventuelles enquêtes indépendantes et transparentes avant de se prononcer plus avant sur le scrutin et le suivi à y réserver.
Le résultat serré déclaré (51,3 % favorables contre 48,6% opposés) peut en outre faire craindre de nouvelles dérives autoritaires.
Lundi 17 avril, l’état d’urgence a été une nouvelle fois prolongé de 90 jours. Pourtant, neuf mois après la tentative de push avortée, plus rien ne justifie le maintien de mesures aussi étendues. Comme admis par les autorités turques elles-mêmes, depuis le 15 juillet dernier : entre autres 125.485 personnes ont été licenciées ou suspendues de leur fonction sans procès ou possibilité de recours et 113.260 citoyens ont été détenus dans le cadre d’investigations : aujourd’hui 47.555 d’entre eux – dont de trop nombreux journalistes - restent privés de liberté.
« Il est donc grand temps de revoir les décrets sur l’état d’urgence, d’en revenir à l’état de droit, de respecter les normes et droits fondamentaux et les chartes et conventions internationales et européennes, entre autres ceux relatifs aux droits syndicaux », comme le soulignait le Comité exécutif de la CES dans sa déclaration adoptée unanimement le 14 décembre dernier.
La CES répète son opposition fondamentale à la peine de mort incompatible avec les valeurs universelles et européennes des droits de l’homme : évoquer un référendum turc sur le sujet constituerait une provocation à un moment où la Turquie, divisée profondément, polarisée – comme le démontre le scrutin - a besoin de politiques plus consensuelles qui abordent les vrais problèmes des citoyens (sécurité d’emploi, santé et sécurité au travail, violence accrue….) pour elle-même, mais aussi dans ses rapports avec l’extérieur, en ce compris avec l’Union européenne.
Enfin, le Comité de direction a formellement décidé de la création d’un fond international de solidarité conjoint CSI-CES afin de soutenir financièrement ces syndicalistes victimes de répression et de harcèlement.