Larnaca, 04-05 octobre 2012
Seul le texte prononcé fait foi
Je me félicite de la tenue de cette conférence où sont rassemblés FERPA, Comité Jeunes de la Confédération européenne des syndicats.
Je remercie monsieur Georgios papageorgiou, secrétaire permanent du ministre chypriote du travail d'être avec nous ce matin,
Les secrétaires généraux de SEK et de Deok ainsi que le Président de Turk sen nous honorent, ensemble, de leur présence. ils représentent les trois confédérations chypriotes affiliées à la CES. Je leur exprime toute ma reconnaissance et mon soutien.
Quelles que soient les circonstances il est capital que les syndicats défendent et promeuvent les intérêts et le point de vue de leurs membres.
Nous sommes heureux que les syndicats, dans cette île continuent de se réunir au sein du forum syndical qui rassemble les travailleurs des diverses communautés. ce travail commun est indispensable pr un avenir pacifique et démocratique.
L’objectif de cette réunion est de travailler ensemble, entre nous, pour dégager nos priorités futures.
qu'est-ce qui nous rassemble aujourd’hui ?
Quels sont nos enjeux communs ?
Il est évident pour nous tous que la crise est le problème numéro 1. Une crise qui trouve ses origines dans la folie de l’industrie financière, mais que nous payons et paierons toutes et tous encore de longues années.
Les institutions européennes et certains États membres laissent entendre que la crise résulterait de dépenses publiques excessives – entendez : de dépenses sociales excessives –, et qu’une « bonne cure d’austérité » remettrait tout en place.
Les résultats de cette formidable erreur de jugement sont là, sous nos yeux : après bientôt trois ans d’austérité, la récession s’accentue en Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal. Par effet domino, la crise menace désormais les pays à économies fortes. Les plans de restructurations se multiplient. Au lieu de se sortir de cette crise nous nous y enfonçons.
Les résultats de cette formidable erreur de jugement sont là, sous nos yeux : après bientôt trois ans d’austérité, la récession s’accentue en Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal. Par effet domino, la crise menace désormais les pays à économies fortes. Les plans de restructurations se multiplient. Au lieu de se sortir de cette crise nous nous y enfonçons.
La CES a mis sur la table une proposition de contrat social pour l'Europe. Ce que nous voulons c'est que les considérations sociales soient au coeur du projet européen. Nous sommes convaincus que sortir de la crise ne pourra se faire que par un processus respectueux de notre modèle social, un processus qui place la justice sociale, le dialogue, la négociation et une politique économique différente.
Ce message, le message que l'Europe ne peut pas se faire contre le progrès social, mais doit, au contraire le favoriser, est le message que nous portons et continuerons de porter, avec vous dans les mois et les années à venir.
1. Les jeunes
Les jeunes sont d’ores et déjà les plus touchés. Vous connaissez les chiffres : dans l’UE, le taux de chômage des 15-24 ans est passé d’une moyenne de 15 % en février 2008 à 22,5 % en juillet de cette année. Soit une augmentation de 50 % depuis le début de la crise ! En Grèce et en Espagne, c’est désormais plus d’un jeune sur deux qui est sans emploi ! Et le chômage de longue durée ne cesse d’augmenter[[Source : Commission, « Rapport sur la jeunesse 2012 » (http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/12/948&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en). Selon les dernières statistiques publiées par Eurostat, les taux les plus élevés sont observés en Grèce (53,8%) et en Espagne (52,9%). À travers l'UE, plus de 30 % des jeunes chômeurs sont sans emploi depuis plus d'un an.]]. La destabilisation sociale provoque des réactions très fortes On l’a vu, encore la semaine dernière, dans les rues d’Athènes et de Madrid ou de Lisbonne. Recréer des passerelles de discussion et de négociation devient de plus en plus difficile.
Mais il n’y a pas que l’emploi.
Dans certains pays, comme au Royaume-Uni, le coût des études explose, obligeant les jeunes à s’endetter pour pouvoir étudier… Dans d’autres pays, c’est l’accès aux allocations sociales qui est rendu de plus en plus difficile ; dans d’autres encore c’est l’accès au logement qui devient quasiment impossible, retardant ainsi la capacité des jeunes à devenir autonome et à prendre leur vie en mains.
Il faut souligner que les jeunes issus de l’immigration souffrent encore davantage. La présidence chypriote du Conseil de l’UE l’a d’ailleurs, à raison, souligné dans ses priorités pour le semestre en cours[[http://www.cy2012.eu/fr/page/youth]].
2. Les travailleurs âgés
Jusqu’à présent, le taux d’emploi des travailleurs âgés n’a pas dramatiquement baissé comme celui des jeunes ; même si de grandes différences subsistent entre États membres. Mais c’est souvent lors des restructurations et des plans de licenciements que les travailleurs âgés se trouvent en première ligne et doivent encaisser les coups. Les patrons tendent en effet à vouloir se débarrasser des plus âgés, utilisant différents systèmes de retraites anticipés. Rares sont ceux qui sont prêts à encourager les employés à travailler jusqu’à l’âge légal de la pension. Et encore plus rares sont ceux qui sont prêts à engager un travailleur de plus de 50 ans.
Dans certains pays, on a utilisé la crise pour faire adopter des réformes structurelles visant notamment à faciliter les procédures de licenciements individuels et collectifs, à retarder l’âge légal de la retraite, à « flexibiliser » l’organisation du travail sans négociation avec les représentants des travailleurs, etc.
Et aujourd’hui, d’autres phénomènes se produisent : on commence de plus en plus à parler de travail après l’âge légal de la retraite.
Alors même que le taux d’emploi des travailleurs âgés reste assez faible, on constate que le taux d’emploi des 65-74 ans est en augmentation dans presque tous les États membres[[Source : Présentation de Robert Anderson (Eurofound) au comité exécutif de la FERPA, 23/2/2012, « Older people in the economic crisis ».]].
Bien sûr, il y a des différences entre la professeure d’université britannique ou suédoise qui continue d’enseigner à 70 ans parce que cela lui plaît, et le pêcheur portugais qui travaille encore à 75 ans pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille[[Ibid. (exemple cité)]]. Ce qui montre bien toute l’ambiguïté du « vieillissement actif ».
En effet, la catégorie des travailleurs âgés, plus que celle des jeunes, est très diverse en termes de santé, de revenu, d’expérience, de contraintes et de préférences sociales.
Mais il est indéniable que la crise a eu un impact sur le montant des pensions, sur l’âge légal de la retraite, sur les pratiques de retrait anticipé du marché du travail ou à l’inverse, comme on vient de le voir, sur l’allongement de la vie professionnelle parfois au-delà de l’âge légal de la retraite.
Voilà certainement ce qui nous rassemble aujourd’hui : différentes formes de « précariats » qui se développent tant chez les jeunes qui veulent prendre leur vie en mains que chez les travailleurs âgés qui sont insécurisés dans leur emploi et dans l’avenir de leur retraite.
3. Jouer solidaire
Dans ce contexte de guerre contre le modèle social européen, le pire serait de succomber à la tentation de la division. C’est-à-dire de « jouer » les jeunes contre les vieux sur le marché de l’emploi ; de « jouer » les outsiders contre les insiders, comme tentent parfois de le faire certains, y compris ds les institutions européennes.
Dans ce contexte de guerre contre le modèle social européen, le pire serait de succomber à la tentation de la division. C’est-à-dire de « jouer » les jeunes contre les vieux sur le marché de l’emploi ; de « jouer » les outsiders contre les insiders, comme tentent parfois de le faire certains, y compris ds les institutions européennes.
L’action collective syndicale ne vise pas à défendre certaines catégories de travailleurs contre d’autres ; les temps pleins contre les temps partiels, les CDI contre les intérimaires… L’action syndicale vise à une meilleure distribution globale des revenus, et en conséquence à une réduction globale des inégalités. Elle lutte contre la précarisation des travailleurs – de tous les travailleurs –, et recherche l’inclusion de tous dans le marché de l’emploi, en particulier des groupes vulnérables (jeunes, migrants, personnes handicapées…), des salaires décents pour tous, une couverture large de la négociation collective, une protection sociale efficace, la lutte contre les inégalités de genres, etc.
4. Mutations démographiques
Il est clair que les mutations démographiques que connait l’UE auront un impact sur cette action syndicale. Aujourd’hui, une petite fille qui naît en Europe peut espérer vivre en moyenne jusque près de 83 ans, soit près de 10 ans de plus qu’il y a cinquante ans[[Source : Commission européenne, « Démographie, vieillissement actif et retraites », Guide de l’Europe sociale, Vol. 3. (p. 7 : « En 2009, l’espérance de vie d’une fille née en Europe était de 82,6 ans en moyenne »).]]. Par ailleurs, le taux de fécondité dans l’UE est à son niveau le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale. Au final : il y a moins de jeunes, et plus de vieux ; mais aussi, des jeunes qui deviendront eux-mêmes de plus en plus vieux ! Une situation totalement inédite dans l’histoire de nos pays.
Dans ces mutations de long terme, comment permettre aux travailleurs âgés de rester dans l’emploi jusqu’à l’âge de la retraite pour une pension complète ? Comment adapter cet emploi aux corps qui, à 60 ans, sont parfois fatigués et douloureux ? Mais aussi : comment tenir compte de la durée et de la « dureté » de la carrière pour calculer l’âge de la retraite ? Une récente enquête montre, par exemple, que seulement 30% des ouvriers de la construction de 45 à 49 ans pensent pouvoir « tenir » jusque 60 ans dans le même emploi[[A paraître: Vendramin P., Valenduc G., « Occupations and ageing at work - An analysis of the findings of the fifth European Working Conditions Survey (EWCS 2010)”, Fondation Travail-Université, Namur, Belgium, Working Paper 2012.09, European Trade Union Institute (ETUI).]]. Comment établir des systèmes de retraite plus juste pour les métiers les plus durs ?
Comment permettre aux jeunes d’entrer plus facilement sur le marché de l’emploi ? Comment éviter le développement de trop longues périodes d’un précariat fait de petits jobs, de stages non ou mal rémunérés, d’intérims ? Comment permettre à ces jeunes d’exercer tous leurs talents, de développer leur dynamisme, leur énergie ? Bref, de s’intégrer, mais de manière critique et active, dans cette société qui aujourd’hui les limite.
5. Envoi
L’action syndicale est cruciale dans ce contexte de changements démographiques. La question n’est rien moins que : comment préserver la cohésion sociale dans la société européenne ? Comment faire en sorte que les enjeux du vieillissement actif, de l’insertion, de la formation tout au long de la vie, mais aussi du financement de la sécurité sociale, puissent être discutés, négociés et décidés dans le cadre d’une véritable démocratie sociale, où les intérêts de toutes les parties sont écoutés et pris en compte.
C’est pour cette raison que cette conférence tombe à pic ; nous sommes d’ores et déjà sûrs qu’elle nous livrera de très riches contributions.