Le pacte européen d'investissement est nécessaire pour que la politique macroéconomique soit au service des travailleurs

La Confédération européenne des syndicats (CES) a averti que le modèle économique de l'Europe est en train de décevoir ses travailleurs et a présenté des propositions d'action urgente pour rééquilibrer la politique macroéconomique en faveur des personnes et de l'investissement productif lors du Dialogue macroéconomique qui s'est tenu aujourd'hui.

Cet événement, qui a réuni la présidente de la Banque centrale européenne, Mme Lagarde, le président de l'Eurogroupe, M. Donohoe et le commissaire Dombrovskis, ainsi que des dirigeants d'organisations syndicales et patronales, est un moment clé pour l'élaboration de la politique macroéconomique de l'Europe.

La CES a publié ses Perspectives macroéconomiques, qui exposent les déséquilibres structurels qui freinent l'Europe et proposent des solutions syndicales. La publication montre que l'investissement public, des institutions du travail fortes et une répartition équitable des revenus ne sont pas seulement des priorités sociales, mais aussi des impératifs macroéconomiques.

Pourtant, pendant des décennies, les salaires ont été considérés comme un coût à contenir plutôt que comme le fondement d'une prospérité partagée. La part du travail dans le PIB est passée d'environ 66 % dans les années 1990 à à peine 63 % aujourd'hui, tandis que les bénéfices des entreprises ont grimpé en flèche. Seul un tiers des revenus du capital est réinvesti dans l'économie réelle ; le reste est détourné vers les marchés financiers, les dividendes et les rachats. Ce déséquilibre nuit à la croissance, à l'innovation et à la résilience.

Un pacte européen d'investissement

La CES demande un nouveau pacte pour rétablir la part du travail et réinjecter les profits dans l'activité productive. Cela signifie

  • Une croissance équitable des salaires pour stimuler la demande intérieure et garantir que les travailleurs partagent la prospérité.
  • Des investissements publics et privés dans les énergies propres, l'infrastructure numérique, le logement et les emplois de qualité.
  • Suivre les bénéfices des entreprises d'aussi près que les salaires dans l'analyse de l'inflation.
  • Des règles fiscales réformées qui donnent la priorité à l'investissement plutôt qu'à l'austérité.
  • Une fiscalité équitable pour financer les objectifs sociaux et environnementaux.

S'exprimant aujourd'hui lors du dialogue macroéconomique, la secrétaire générale de la CES, Esther Lynch, a déclaré :

"L'économie européenne est comme un champ récolté encore et encore sans renouveler le sol. Les bénéfices sont retirés, mais trop peu sont réinvestis. Si nous voulons que l'Europe prospère, nous devons réinvestir dans l'équité, la capacité de production et la prospérité partagée.

"Deux tiers des revenus du capital ne sont pas réinvestis dans la capacité de production de l'Europe. Au contraire, ils sont détournés vers les marchés financiers, les rachats d'actions et les bulles spéculatives - y compris le boom actuel de l'IA - plutôt que vers l'économie réelle. Trop d'argent est retiré de l'économie et trop peu y est réinjecté.

"Lorsque les bénéfices sont thésaurisés au lieu d'être réinvestis, l'Europe perd sa capacité à croître selon ses propres termes, à innover et à résister aux chocs. Lorsque la part des salaires diminue, la demande intérieure baisse également.

"Ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est d'un pacte européen d'investissement qui rétablisse l'équilibre entre le capital et le travail, soutienne l'économie réelle et réintroduise les bénéfices dans l'activité productive."

Ludovic Voet, secrétaire confédéral de la CES, a déclaré :

"Les coûts du logement augmentent plus vite que les salaires, alors que la part de la valeur ajoutée consacrée au travail ne cesse de diminuer.

"Dans le même temps, la part du travail dans le PIB est tombée à 63 %, contre 66 % dans les années 1990, soit un transfert de 3 000 milliards d'euros des salaires vers les profits depuis 2015, ce qui équivaut à peu près au PIB de l'Allemagne. Depuis les années 1990, les salaires n'ont jamais dépassé la productivité. Cette situation est due à des décennies de restrictions salariales, à l'affaiblissement des négociations collectives et à la financiarisation des entreprises, qui récompensent les actionnaires au lieu de réinvestir dans les travailleurs et la production.

"Les gains de productivité doivent se traduire par des rémunérations équitables. Plutôt que de se focaliser sur les coûts unitaires de main-d'œuvre, l'UE devrait veiller à ce que les salaires réels suivent le rythme de la productivité afin de stabiliser la part de la main-d'œuvre, en mettant l'accent non plus sur la compétitivité des coûts, mais sur une répartition équitable des revenus. Investir dans les travailleurs, et pas seulement dans le capital. Les entreprises qui bénéficient de gains de productivité et de bénéfices croissants doivent réinvestir dans la décarbonisation, la requalification et la qualité de l'emploi, et ne pas se contenter de récompenser leurs actionnaires".

Isabelle Barthès, secrétaire générale adjointe d'IndustriAll Europe, a déclaré :

"Les travailleurs de l'industrie sont confrontés à des pertes d'emplois, des fermetures d'usines et des restructurations. Rien que dans le secteur automobile, 90 000 emplois ont déjà été supprimés. Ce n'est qu'un début.

"Le seul domaine dans lequel l'Europe est à la pointe est celui de la maximisation des profits. Même les secteurs sous pression font des bénéfices.

"Les augmentations de salaires sont essentielles pour stimuler la demande de produits fabriqués en Europe. Pour aider à protéger les emplois chez nous, la politique macroéconomique de l'Europe doit être axée sur l'augmentation du pouvoir d'achat des travailleurs.

MEDPOL
Publié le12.11.2025
Communiqué de presse