Rôle et implication des partenaires sociaux dans le Semestre européen et la gouvernance économique de l’UE
Document de la CES discuté lors de la réunion du Comité exécutif des 27 et 28 octobre 2022
La CES encourage la Commission européenne à mettre en place un cadre plus structuré et contraignant concernant l’implication des partenaires sociaux dans le Semestre européen en respectant les pratiques nationales mais en mandatant les gouvernements nationaux pour consulter les partenaires sociaux selon des critères de qualité et faire rapport de l’efficacité de leur implication et de ses résultats.
Résumé des positions de la CES en réponse au Paquet d’automne 2023
A l’occasion des consultations préalables au paquet d’automne du Semestre européen 2023, la Commission européenne a présenté une demande d’avis sur la manière dont les partenaires sociaux contribuent à la conception et à la mise en œuvre réussies de réformes nationales et d’agendas d’investissements déterminant leur rôle et leur implication dans le Semestre européen. La communication annoncée sur le renforcement du dialogue social et la recommandation sur le rôle du dialogue social au niveau national offrent une opportunité de définir un cadre pour l’implication des partenaires sociaux dans le Semestre européen.
Lors de la réunion qui s’est tenue le 28 septembre, la Commission européenne a envisagé une implication permanente des partenaires sociaux européens avant la publication de la stratégie annuelle pour une croissance durable présentant les grandes orientations économiques, les rapports et les recommandations spécifiques par pays (RSC) (selon les articles 121 et 126 du TFUE). La Commission n’explique pas comment les partenaires sociaux nationaux devraient être consultés par leurs gouvernements, que ce soit dans le cadre du Semestre ou de la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Les pratiques nationales s’appuieraient sur des outils souples tels que les orientations en matière d’emploi et les exercices d’évaluation par les pairs de l’EMCO.
DÉFIS
Depuis des années, la CES présente ses propositions pour une implication plus structurée des partenaires sociaux dans le Semestre européen. Grâce à une décennie de coordination soutenue par le réseau des officiers de liaison syndicaux « Semestre » (TUSLO), la CES a acquis suffisamment de connaissances et de témoignages pour affirmer que :
- l’implication syndicale dans le Semestre européen dépend par trop de la bonne volonté des gouvernements et que la consultation est trop souvent formelle, laissant les syndicats insatisfaits du processus et de ses résultats ;
- les mesures de droit mou ou implicite ont peu d’effets et n’entraînent ni sanctions ni conséquences négatives pour les gouvernements qui ne consultent pas les partenaires sociaux ou qui produisent des rapports fallacieux sur la manière dont ils les consultent.
Etant donné que la FRR est concernée, les conclusions préliminaires d’une étude conduite par l’Observatoire social européen (OSE) et l’ETUI font état de défis qui sont source d’inquiétudes pour le mouvement syndical : le rôle des partenaires sociaux est dilué dans des sessions de consultation multipartites ; les décideurs ne décideurs ne participent pas aux réunions de consultation (parfois les autorités de mise en œuvre n’y participent pas non plus) ; le calendrier des consultations est souvent inadéquat ; les structures ou les pratiques habituelles du dialogue social (là où elles existent) ne compensent que partiellement l’absence de processus de consultation dédiés portant sur l’élaboration et la mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR. De plus, et bien que les PNRR modifient en profondeur le tissu productif du pays et que plusieurs composants ont un impact structurel sur des secteurs productifs et des systèmes économiques entiers, il est surprenant que le dialogue social et la négociation collective ne soient jamais mentionnés comme étant vecteurs de changement pour des transitions justes du marché du travail.
Cette étude tend à confirmer l’évaluation des PNRR faites par les TUSLO qui y relèvent un niveau très faible d’alignement avec les attentes syndicales (enquête de la CES sur la mise en œuvre des PNRR). Cela donne l’impression que les gouvernements veulent « faire cavaliers seuls » dans cette phase de reprise alors même que la production, l’emploi, la productivité et la répartition des richesses sont en jeu.
EXIGENCES DE LA CES
L’approche proposée par la Commission européenne est très insatisfaisante. La CES demande donc qu’il soit tenu compte des conditions suivantes qui introduisent 4 exigences de qualité pour améliorer les pratiques d’implication des syndicats :
- Il faut que les syndicats soient invités et consultés, au niveau approprié, par les véritables décideurs ayant la responsabilité de fournir les différentes informations requises par le Semestre européen (y compris les PNRR) ;
- Les syndicats doivent disposer d’un accès significatif aux informations et à une documentation complètes afin de pouvoir formuler et produire une position pleinement informée ;
- Au moment voulu, suffisamment de temps devrait être accordé aux syndicats pour étudier les positions/intentions des décideurs et y réagir en fonction de leurs capacités réelles, sans altérer ni déroger à leur processus démocratique interne, et recevoir une réponse motivée sur la manière dont les décideurs ont tenu compte de leurs avis ;
- Capacités adéquates : les syndicats devraient disposer de suffisamment de personnel et de moyens matériels pour prendre activement part au Semestre européen ou à tout autre dialogue concernant la gouvernance économique de l’UE (y compris les PNRR).
La communication et la recommandation devraient inclure l’obligation pour les gouvernements de consulter les partenaires sociaux lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des plans nationaux (programmes nationaux de réforme, plans de stabilité et de convergence ou plans nationaux pour la reprise et la résilience) et des RSC. La communication devrait préciser que les partenaires sociaux sont consultés conformément aux pratiques nationales une fois qu’il aura été établi que les 4 exigences de qualité mentionnées plus haut sont satisfaites. Les gouvernements feront rapport du processus et des résultats de la consultation dans leurs plans nationaux. Un ou plusieurs partenaires sociaux devraient avoir le droit de dénoncer les rapports incorrects ou trompeurs des gouvernements et de demander que les plans nationaux soient renvoyés à ces gouvernements pour correction.
La communication et la recommandation devraient reconnaître la valeur ajoutée que la CES apporte dans le processus du Semestre dans son ensemble (tout comme le font les autres partenaires sociaux européens) grâce à sa présence ancrée au plan national et à sa forte capacité à assurer la cohérence des actions syndicales au niveau européen et national. Les syndicats affiliés à la CES devraient donc être toujours consultés au niveau national et disposer des moyens nécessaires pour garantir à toutes les confédérations syndicales nationales les mêmes chances d’intervenir au niveau européen.
La consultation des partenaires sociaux devraient être orientée résultats et préciser clairement les livrables attendus et le calendrier en suivant le rythme des résultats et des échéances du Semestre européen et de la FRR. Afin de contribuer à la réalisation des grands objectifs de Porto, le dialogue entre partenaires sociaux et gouvernements devrait assurer que les moyens spécifiques ou les flux financiers activés au titre des programmes de financement de l’UE sont alignés sur les critères de durabilité et sociaux et, en particulier, sur le Socle européen des droits sociaux.
Les partenaires sociaux doivent être impliqués dans les processus et pratiques du Semestre européen visant à identifier les déséquilibres sociaux et leur élimination. Cela suppose une implication structurée dans l’utilisation du tableau de bord social et dans la rédaction du rapport conjoint sur l’emploi ainsi que dans la révision annuelle des orientations pour l’emploi. Si cette pratique était formalisée dans une procédure de déséquilibre social (PDS), celle-ci devrait inclure des règles claires sur la manière dont les partenaires sociaux sont impliqués et dont les exigences de qualité des partenaires sociaux sont prises en compte. La PDS devrait en outre garantir un rôle aux partenaires sociaux dès son lancement. Il est crucial que toute action expérimentale ou pilote introduisant une PDS dans le Semestre européen soit menée en impliquant pleinement les partenaires sociaux.
Une consultation structurée des partenaires sociaux devrait être prévue dans tous les instruments, facilités et processus qui renforcent la gouvernance économique de l’UE. De tels instruments, facilités et processus (SURE, FRR, examens approfondis, programmes d’assistance technique, etc.) devraient seulement être accessibles après consultation des partenaires sociaux nationaux. Les demandes nationales d’accès à des prêts ou d’autres instruments financiers devraient inclure un paragraphe faisant rapport du résultat de la consultation avec les partenaires sociaux.
Les partenaires sociaux devraient également être consultés pour préserver l’intégrité des instruments, facilités et processus et assurer que leur mise en œuvre est pleinement conforme à l’état de droit et prévient les activités criminelles ou illégales.