Réponse de la CES à la première phase de consultation des partenaires sociaux européens par la Commission sur les actions possibles dans le domaine du télétravail et du droit à la déconnexion des travailleurs

Adoptée à la réunion du Comité exécutif du 25 juin 2024

Le 30 avril 2024, la Commission européenne a présenté la première phase de consultation des partenaires sociaux au titre de l’article 154 du TFUE sur une éventuelle action de l’UE dans le domaine du télétravail et du droit à la déconnexion des travailleurs.[1] La Confédération européenne des syndicats (CES) salue expressément l’initiative de la Commission et a souhaité répondre aux trois questions de la consultation ci-dessous. 

La CES souhaite tout d’abord rappeler que le Parlement européen, dans son rapport d’initiative législative du 21 janvier 2021 avec des recommandations à la Commission sur le droit à la déconnexion[2], avait déjà demandé à la Commission de présenter une directive sur le droit à la déconnexion. La CES a expressément soutenu la demande du Parlement européen et, dans sa position sur le droit à la déconnexion du 23 mars 2021[3], a appelé la Commission à lancer sans plus tarder une initiative législative sous la forme d’une directive européenne sur l’application et l’exécution du droit à la déconnexion. 

Compte tenu de l’augmentation considérable du télétravail dans le contexte de la pandémie de COVID, les partenaires sociaux européens ont conjointement identifié la nécessité d’adapter leur accord-cadre de 2002 sur le télétravail aux nouvelles circonstances et, dans ce contexte, de traiter également du droit à la déconnexion. Dans le programme de travail pour le dialogue social européen autonome 2022 - 2024[4], les partenaires sociaux européens ont donc convenu de négocier un accord européen sur le télétravail et le droit à la déconnexion, qui devrait être mis en œuvre sous la forme d’une directive européenne. La CES s’est engagée dans les négociations dans le cadre du dialogue social européen. La CES est donc consternée que les négociations aient échoué en raison du refus des employeurs de présenter l’accord négocié. Elle considère donc qu’il est cohérent que la Commission prenne des mesures législatives.

Avant d’aborder les questions plus en détail, la CES souhaite déclarer expressément qu’elle ne partage pas le point de vue de la Commission selon lequel un droit à la déconnexion doit être introduit, mais que le droit à la déconnexion en tant que tel existe déjà et qu’il devrait être décrit et appliqué plus en détail, sous la forme d’une directive de l’UE. La directive 2003/88/CE[5] concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail et la directive-cadre 1989/391/CEE[6] sur la santé et la sécurité au travail, ainsi que les conventions collectives et le contrat de travail individuel réglementent le temps pendant lequel le travailleur est à la disposition de l’employeur. Au-delà, l’employeur n’a aucun droit sur le temps du travailleur. Il en résulte que le travailleur a le droit de ne pas être contacté par son employeur pendant son temps libre. Il s’agit donc de clarifier et de faire respecter ce droit à la déconnexion.

La CES souligne également qu’elle ne croit pas à la catégorisation des emplois comme télétravaillables ou non télétravaillables. Une distinction devrait plutôt être faite entre les tâches télétravaillables et celles qui ne le sont pas. Elle est fermement convaincue que les tâches de nombreux emplois remplissent les conditions requises pour le télétravail. Dans la pratique, cependant, la mise en œuvre échoue souvent en raison du consentement de l’employeur. Dans ce contexte, la CES souhaite souligner l’inquiétude croissante des travailleurs qui occupent des emplois dont les tâches ne sont généralement pas considérées comme télétravaillables et qui éprouvent un sentiment de préjudice qui doit être pris en compte.

Enfin, la CES note que la Commission indique dans le document de consultation qu’elle a commencé l’évaluation juridique de l’accord sur la numérisation (y compris les dispositions sur le télétravail et le droit à la déconnexion) négocié par les partenaires sociaux de l’UE dans les administrations centrales (DDC-CGA) en vue d’une éventuelle mise en œuvre législative.[7] Tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un processus distinct de cette consultation, la CES demande instamment à la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires et immédiates pour mettre en œuvre l’accord sectoriel par le biais d’une directive, en toute transparence et en coopération avec les signataires de l’accord.

À la première question : Considérez-vous que la Commission a correctement et suffisamment identifié les opportunités et les défis liés au télétravail et au droit à la déconnexion ? Si ce n’est pas le cas, quels défis ou opportunités ont été incorrectement ou insuffisamment identifiés, ou quels autres défis et opportunités pourraient être envisagés ?

La CES est d’avis que la Commission a largement identifié correctement les opportunités et les défis liés au télétravail et au droit à la déconnexion dans son document de consultation. 

La Commission souligne que la numérisation, l’utilisation de terminaux numériques et l’augmentation simultanée du télétravail ont accru le risque d’une culture de travail « toujours en action » avec des effets potentiels sur les conditions de travail et d’emploi des travailleurs. Il n’est pas rare que les travailleurs soient connectés ou contactés par n’importe quel moyen en dehors des heures de travail convenues collectivement. Faire respecter le droit à la déconnexion signifie que le temps personnel des travailleurs n’est pas perturbé et que leurs conditions de travail ainsi que leur santé et leur sécurité sont protégées. La CES ne peut donc que confirmer que l’application du droit à la déconnexion contribue à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Un droit à la déconnexion effectivement mis en œuvre devrait également inclure l’examen de la charge de travail et la question de savoir si celle-ci est conforme au temps de travail convenu. Pour la CES, une analyse de la charge de travail comprend également une analyse des niveaux de personnel. Une telle analyse holistique et un examen régulier ont donc un effet positif sur la santé du travailleur, sur sa satisfaction générale à l’égard de ses conditions de travail et sur sa productivité.

La CES approuve les opportunités décrites de travailler en dehors des locaux de l’employeur sous la forme d’accords de télétravail. Ces opportunités pourraient comprendre, entre autres, les éléments suivants :

  • Permettre aux travailleurs de mieux se concentrer grâce à la réduction des perturbations et des interruptions ;
  • Améliorer la capacité à effectuer certaines tâches qui requièrent une concentration particulière ;
  • Augmenter la productivité ;
  • Assurer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ;
  • Contribuer à la réduction de l’empreinte carbone.

Toutefois, la CES souligne que toute initiative de l’UE doit garantir la nature volontaire du télétravail et qu’aucun travailleur ne doit être contraint, directement ou indirectement, de télétravailler. Selon le contexte, certaines tâches ou situations peuvent être mieux traitées dans les locaux de l’employeur. Il peut être nécessaire d’avoir une interaction en face à face entre collègues et/ou avec des clients ou des fournisseurs. Par exemple, les possibilités d’apprentissage spontané par le biais d’interactions informelles pourraient être améliorées en travaillant dans les locaux de l’employeur. Les éventuels sentiments d’isolement et de manque d’appartenance sociale doivent également être pris en compte.

La CES est convaincue que le télétravail peut être bénéfique pour l’inclusion dans le marché du travail ainsi que pour la conciliation du travail des travailleurs les plus vulnérables (par exemple, les travailleurs handicapés) et des travailleurs ayant des responsabilités de soins. La CES déconseille de soutenir de nouveaux moyens permettant aux employeurs de contourner leur obligation légale, sanctionnée par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH), de garantir des aménagements raisonnables des postes de travail, et des lieux de travail en général, qui reste l’un des principaux obstacles à l’intégration des travailleurs handicapés sur le marché du travail. Cependant, le télétravail peut également favoriser une répartition inégale des responsabilités de soins entre les femmes et les hommes, en particulier. Pour ces raisons, le télétravail ne doit pas être utilisé comme substitut aux services de soins nécessaires et aux filets de sécurité tels que les congés de maladie payés, les congés parentaux et les congés pour enfants malades. Il est primordial de façonner les modalités du télétravail en tenant compte des spécificités de chaque sexe et de veiller à ce que les inégalités sexuées existantes ne soient pas exacerbées. Il en va de même pour l’amélioration éventuelle de l’interaction des groupes en situation de vulnérabilité. La CES souligne que les travailleurs handicapés en particulier doivent être intégrés sur le lieu de travail et que le télétravail ne doit pas être utilisé à mauvais escient pour éviter les investissements nécessaires à des lieux de travail accessibles et diversifiés. Travailler à distance peut rendre les marchés du travail plus inclusifs, mais peut aussi augmenter le risque d’isoler les gens, de rendre invisibles les travailleurs confrontés à la discrimination, ce qui serait préjudiciable à la lutte contre la discrimination, qui reste une obligation légale pour les employeurs.

Dans le document de consultation, la Commission mentionne également la possibilité d’un contrôle efficace, y compris l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) spécifique et des contrôles algorithmiques. La CES souligne que tout contrôle doit respecter les droits des travailleurs et les droits de l’homme, en mettant particulièrement l’accent sur la dimension de genre. Il ne doit pas y avoir d’intrusion de l’employeur dans la sphère privée des travailleurs. En particulier dans le cas du travail à domicile, il existe un risque de violation de la vie privée par un contrôle intrusif, disproportionné et injustifié sans information préalable et obligatoire. En outre, les effets positifs du télétravail, tels que l’augmentation de la productivité, peuvent être entravés si l’autonomie des travailleurs, qui vont de pair avec le télétravail, sont empiétées. Dans le cas de contrôles algorithmiques, il est également nécessaire de veiller à ce que la protection des données des travailleurs soit respectée et qu’une attention particulière soit accordée à l’impact de l’IA sur la santé et la sécurité au travail, notamment en termes de charge de travail physique et psychosociale et de rythme de travail, qui peuvent être une source d’accidents et de maladies professionnelles. La mise en œuvre et utilisation de contrôles algorithmiques pour le suivi des travailleurs, doit être négociée préalablement avec les syndicats et/ou les représentants des travailleurs selon les traditions et pratiques nationales et dans le plein respect des prérogatives des syndicats. Ces systèmes devraient être également régulièrement évalués en collaboration avec les représentants des travailleurs ou les syndicats. Dans ce contexte, la CES réitère sa forte demande d’une directive européenne spécifique dédiée aux systèmes algorithmiques sur le lieu de travail[8] afin de garantir la protection de tous les travailleurs dans tous les secteurs et des droits de l’homme à l’ère de l’IA. 

La Commission a identifié des défis dans cinq domaines :

  1. l’emploi et les conditions de travail, le temps de travail et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ;
  2. la sécurité et la santé au travail, y compris la santé mentale et physique ;
  3. la performance des travailleurs, y compris le suivi du télétravail ;
  4. l’égalité de traitement et la non-discrimination, y compris les aspects liés à l’égalité des sexes et l’impact sur les différents groupes exposés à la discrimination (sur la base du handicap, de l’âge, de l’orientation sexuelle, de l’appartenance ethnique/race et de la religion) ;
  5. la mobilité géographique et le télétravail transfrontalier.

La CES est d’accord avec ces points et a identifié un défi supplémentaire dans le domaine des droits de représentation des syndicats et des travailleurs. Le télétravail rend difficile pour les syndicats et les représentants des travailleurs d’atteindre une grande partie de la main-d’œuvre et d’exercer leur mandat de représentation de manière significative. La CES demande donc que l’employeur ait l’obligation de garantir l’accès numérique et en personne aux travailleurs pour les syndicats et les représentants des travailleurs. Il s’agit notamment de garantir des canaux de communication sécurisés et protégés qui permettent aux travailleurs de communiquer de manière confidentielle avec leur syndicat ou leurs représentants et vice versa.

En outre, la dimension d’égalité des sexes du télétravail n’est pas suffisamment soulignée, à la fois en tant que question autonome et en tant que question transversale. Le télétravail et le passage à des méthodes de travail numériques présentent des risques spécifiques pour les femmes, comme le souligne le projet de la CES « Safe at work, safe at home, safe online », qui montre également des preuves d’une augmentation de la violence domestique pendant la pandémie, révélant un lien structurel avec les problèmes sur le lieu de travail et un rôle pour les partenaires sociaux dans la prévention et l’atténuation des conséquences pour les travailleurs exposés à la violence domestique.

En outre, au-delà de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, les études montrent que les femmes qui télétravaillent sont plus exposées aux risques psychosociaux et aux problèmes de santé liés au travail en raison de la répartition inégale du temps de travail non rémunéré, ce qui conduit à une « pauvreté en temps » pour les femmes et à un conflit plus important entre vie professionnelle et vie privée. Dans ce contexte, la CES souligne la nécessité de lutter contre la culture de travail répandue du « travailleur idéal », dans laquelle les employés sont censés donner la priorité au travail sur tout le reste en travaillant de longues heures et en étant pratiquement toujours disponibles en dehors des heures de travail.

Sur l’emploi et les conditions de travail, le temps de travail et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée :

À ce stade, la CES souhaite souligner que le télétravail n’est ni une forme d’emploi, ni une catégorie de travailleurs, mais un arrangement de travail dans lequel une partie du travail est effectuée en dehors des locaux de l’employeur. Il est important de souligner que ce régime de travail n’affecte pas la responsabilité de l’employeur en matière d’organisation du travail. Celle-ci reste entièrement sous la responsabilité de l’employeur, quel que soit le lieu à partir duquel le travail est effectué.

Le caractère volontaire du télétravail pour le travailleur est crucial pour réaliser les opportunités décrites par la Commission. La CES critique donc le fait que certaines entreprises et administrations publiques utilisent les accords de télétravail comme prétexte pour réduire les coûts en réduisant l’espace de bureau à un point qui rend la réversibilité du télétravail difficile, voire impossible. Ces mesures ne font pas qu’aggraver les conditions de travail des travailleurs, elles vont également à l’encontre de la nature volontaire du télétravail. Elles placent les travailleurs dans une situation où ils sont contraints de travailler, au moins en partie, depuis leur domicile. Il est donc essentiel de garantir le caractère volontaire du télétravail en assurant le droit du travailleur à travailler dans les locaux de l’employeur s’il le souhaite. Toute réorganisation de l’espace de travail doit être négociée avec les représentants des syndicats ou des travailleurs, conformément à la législation européenne et nationale existante en matière d’information, de consultation et de participation, et pourrait être précisée dans la directive à venir. 

Le télétravail étant un régime de travail, les travailleurs qui télétravaillent sont soumis aux mêmes droits et obligations ainsi qu’aux mêmes conditions d’emploi et de travail que les travailleurs qui n’effectuent pas de télétravail et qui travaillent dans les locaux de l’employeur. La CES souligne que toute initiative en matière de télétravail doit inclure le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Il s’agit notamment de veiller à ce que l’exercice du télétravail n’entraîne pas de différence de traitement injustifiée à quelque moment que ce soit. Il ne doit pas y avoir de différence entre les travailleurs effectuant ou non du télétravail en termes de conditions de travail, d’exigences en matière de santé et de sécurité, de devoirs, de salaire ou de tout autre droit et obligation découlant de la relation de travail. 

En particulier, le télétravail présente le risque que, contrairement au bureau, le temps de travail ne soit pas respecté et que le risque d’effectuer des heures supplémentaires augmente. Il est donc important de mettre en œuvre efficacement le droit à la déconnexion et de veiller à ce que la charge de travail puisse être gérée dans le cadre des heures de travail convenues, quel que soit le lieu de travail.

Pour la CES, le coût de l’équipement de travail doit être pris en charge par l’employeur. Cela comprend l’équipement adéquat pour le bureau à domicile, tel que des chaises ergonomiques, des écrans et tout autre équipement ou technologie nécessaire pour le travail de bureau. Il comprend également la compensation de tous les autres coûts supplémentaires, tels que les coûts énergétiques, encourus en raison de l’utilisation par les travailleurs de leur environnement domestique comme bureau. Un autre aspect important est celui des coûts d’installation des équipements de protection des données et des coûts de communication, qui comprennent, sans s’y limiter, les coûts d’Internet et les plates-formes d’appel telles que ZOOM, Webex ou autres. Ces coûts doivent être pris en charge par l’employeur, car ils sont directement liés à l’exécution des tâches professionnelles.

Sur la sécurité et la santé au travail :

La CES rappelle qu’il incombe à l’employeur d’assurer la protection de la santé et de la sécurité au travail de ses travailleurs. L’employeur est donc tenu de respecter toutes les réglementations pertinentes en matière de santé et de sécurité au travail, que le travailleur effectue ou non du télétravail. Les risques posés par le télétravail doivent donc être repris dans l’évaluation des risques. L’obligation de l’employeur de prendre les mesures préventives nécessaires en matière de sécurité et de santé au travail peut également être expliquée à la lumière des pratiques antidiscriminatoires prévues par la législation européenne. Accorder ces droits aux travailleurs sur site, mais pas à ceux qui télétravaillent constituerait une violation des garanties antidiscriminatoires. Celles-ci comprennent notamment la protection contre les risques pour la santé physique et mentale tels que les troubles musculo-squelettiques, les maux de tête, la fatigue visuelle, l’isolation ou la dépression. Il peut être plus difficile pour l’employeur de procéder à une évaluation appropriée des risques sur le lieu de travail en dehors des locaux de l’employeur pour les travailleurs effectuant du télétravail. Toutefois, cela n’est pas impossible et dépend dans une large mesure de l’équipement fourni. Il est opportun de souligner que la technologie permet d’entreprendre des évaluations des risques à distance. L’instrument OiRA de l’agence EU-OSHA[9] en est un bon exemple. En outre, les syndicats et les employeurs ont conclu des accords sur cette question dans de nombreuses entreprises et services publics européens (par exemple, l’éducation)[10]. Il va sans dire que les évaluations des risques à distance doivent être menées dans le respect scrupuleux des droits fondamentaux à la vie privée, y compris des règles plus spécifiques dans le cadre du Règlement général pour la protection des données (RGPD). Comme mentionné ci-dessus, la CES est d’avis que l’employeur doit fournir au travailleur effectuant du télétravail un équipement adéquat, y compris une chaise ergonomique, pour son bureau à domicile. Correctement mis en œuvre, cet équipement devrait minimiser les risques physiques. En outre, chaque travailleur doit recevoir des informations et une formation sur les risques liés au télétravail et avoir accès, pendant les heures de travail, à des informations et des formations appropriées sur les risques spécifiques liés au télétravail et sur la façon d’optimiser son lieu de travail, dont les coûts doivent être pris en charge par l’employeur.

La CES se félicite que la Commission fasse référence aux risques psychosociaux dans son document de consultation. Les risques psychosociaux sont en effet une source importante de problèmes de santé dans l’Union européenne. Selon une étude récente de l’ETUI[11], 6190 travailleurs sont décédés d’une maladie cardiaque coronarienne/ischémique attribuable à différents facteurs psychosociaux en 2015. Le fardeau est tout aussi lourd pour la dépression, avec 4 843 décès attribuables à ce type d’exposition. Considérée dans son ensemble, la charge des risques psychosociaux était trois fois plus lourde que celle des accidents du travail, qui ont fait 3 502 morts la même année. En outre, ces estimations sont prudentes, car seul un ensemble limité de facteurs psychosociaux liés au travail et d’effets sur la santé a été pris en compte. L’enquête OSH Pulse menée par l’EU-OSHA en 2022 montre que 27 % des travailleurs souffrent de stress, d’anxiété ou de dépression causés ou exacerbés par le travail. En outre, l’enquête ESENER de la même agence indique que 89 % des employeurs déclarent que le respect de la législation est la principale raison pour laquelle ils gèrent la santé et la sécurité au travail. 

Le télétravail, s’il n’est pas correctement défini et s’il n’est pas assorti d’un droit effectif à la déconnexion, peut accroître ces risques. En particulier s’il conduit à la délimitation du temps de travail et/ou à l’isolement et à l’exclusion de communications formelles et informelles. Il est donc important que l’organisation du travail soit adaptée en conséquence et complétée par une formation dans le but d’éviter ces risques. Toutefois, les risques psychosociaux ne sont pas un problème spécifique au télétravail et doivent donc être traités comme un risque global pour la santé et la sécurité au travail des travailleurs. L’employeur devrait être légalement obligé de le faire, qu’un travailleur effectue ou non du télétravail. La CES continue donc à demander une directive sur les risques psychosociaux et souligne qu’une action de l’UE sur le télétravail et le droit à la déconnexion ne peut en aucun cas remplacer une directive sur les risques psychosociaux. 

La CES souligne la nécessité d’accorder une attention particulière à la prévention et à l’élimination de la violence fondée sur le genre dans le contexte du télétravail, en particulier une approche sexospécifique de l’évaluation des risques pour la santé au travail ainsi que des mesures ciblées pour les victimes/survivants de la violence domestique.

Sur les performances des travailleurs et la protection de la vie privée :

La CES souligne l’effet positif du télétravail sur les performances et la productivité des travailleurs. La CES n’est pas d’accord avec les affirmations du document de consultation selon lesquelles les travailleurs pourraient utiliser le télétravail pour déclarer plus d’heures de travail qu’ils n’en ont réellement effectuées. Les études tendent à montrer qu’en moyenne, davantage de travail est effectué et que les heures supplémentaires ne sont pas compensées. La gestion des équipes peut s’avérer plus complexe. Par conséquent, les employeurs, les entreprises et les services publics doivent investir davantage dans la formation des cadres et des travailleurs afin de garantir une gestion efficace, d’adapter l’organisation du travail et d’assurer une bonne communication au sein de l’équipe. 

La CES rejette le contrôle et la surveillance numériques intrusifs, ainsi que le recours aux données biométriques. En particulier, l’application numérique pour la reconnaissance biométrique et émotionnelle mentionnée dans le document de consultation ou la surveillance et l’enregistrement des profils de mouvement constituent une intrusion inacceptable dans la vie privée des travailleurs et devraient être interdits. La surveillance des mouvements et de la localisation des véhicules ou des appareils peut également fournir des informations sur la présence d’une personne lors d’une réunion avec les syndicats. 

La CES souligne que l’employeur ne peut contrôler l’exécution du travail, télétravail inclus, que pendant une période et pour des champs d’application limités afin de vérifier le respect par le travailleur de ses obligations et devoirs dans le respect de la dignité humaine. Ce contrôle doit être licite (c’est-à-dire dans le plein respect des droits fondamentaux à la vie privée, y compris des règles plus spécifiques du RGPD) et ne peut pas être basé sur le consentement individuel. Le suivi ne peut donner lieu à aucune sanction pour le travailleur et doit faire l’objet d’une évaluation collective chaque année. Les employeurs doivent également être responsables en fournissant les outils et la formation nécessaires pour assurer le respect par les travailleurs en télétravail des règles de sécurité. Les travailleurs ne doivent pas être sanctionnés en cas de violation de la sécurité ou des données. La prochaine directive doit tenir compte de ces points.

Sur l’égalité de traitement et la non-discrimination :

Comme mentionné ci-dessus, le principe de l’égalité de traitement dans tous les aspects de la relation de travail est primordial pour toute initiative sur le télétravail. En outre, le télétravail doit être façonné en tenant compte des spécificités de chaque sexe, dans le but d’éradiquer les inégalités sexospécifiques. Des garde-fous doivent être mis en place pour protéger les travailleurs contre tout préjugé sexiste, raciste, antisyndical ou autre préjugé potentiel de l’IA ou de la gestion algorithmique. Par conséquent, tous les aspects du télétravail doivent garantir la sécurité juridique et la clarté, la transparence inclure des mécanismes de plainte accessibles pour les travailleurs qui subissent un comportement discriminatoire.

Sur la mobilité géographique et le télétravail transfrontalier :

Le principe de l’égalité de traitement devrait également s’appliquer en particulier aux travailleurs frontaliers. La rigidité des réglementations en matière de sécurité sociale et de fiscalité peut empêcher un travailleur frontalier de bénéficier pleinement du télétravail, contrairement à ses collègues qui vivent dans le même État membre que celui où est établie l’entreprise, en tenant compte également de l’accord-cadre sur l’application de l’article 16 (1) du règlement (CE) n° 883/2004 en cas de télétravail transfrontalier habituel.

Sur la question 2 : Considérez-vous qu’une action de l’UE est nécessaire pour résoudre l’un des problèmes identifiés ? Dans l’affirmative, quelle devrait être l’orientation de cette action ? Quel devrait être le champ d’application précis de cette action (à savoir, devrait-elle couvrir le télétravail, le droit à la déconnexion, ou les deux ; et devrait-elle aborder tous les aspects identifiés de ces sujets, ou seulement certains sous-ensembles de ceux-ci) ?

Dans le programme de travail 2022-2024 sur le dialogue social européen autonome, les partenaires sociaux européens ont déjà identifié conjointement la nécessité d’adapter l’accord-cadre de 2002 sur le télétravail aux nouvelles circonstances et, en même temps, de réglementer l’application du droit à la déconnexion. Un accord adapté aurait dû être mis en œuvre au moyen d’une directive. 

La CES est d’avis qu’une action législative de l’UE est nécessaire pour garantir l’exercice effectif du droit des travailleurs à la déconnexion et pour protéger les droits des travailleurs pratiquant le télétravail. La CES demande une proposition législative complète sous la forme d’une directive qui réglemente les modalités du télétravail et le droit des travailleurs à la déconnexion. Les domaines à réglementer sont tellement liés que, de l’avis de la CES, une proposition législative globale est la mieux à même de protéger les droits des travailleurs ainsi que leur santé et leur sécurité au travail. Cependant, il est de la plus haute importance de garantir que le droit des travailleurs à la déconnexion s’applique à tous les travailleurs et ne se limite pas aux travailleurs effectuant du télétravail. Ce point doit se refléter dans le champ d’application de la future directive. 

Le rôle et le fonctionnement des négociations collectives sont essentiels pour atteindre les objectifs de la future directive et doivent donc être promus et soutenus dans le cadre de la directive. 

Sur la troisième question : Les domaines d’action potentiels de l’UE présentés dans la section 7 du document offrent-ils une vue d’ensemble complète des actions nécessaires ? Si ce n’est pas le cas, quelles actions ne devraient pas être poursuivies ou quelles autres actions pourraient être envisagées ? 

Sur l’établissement du droit à la déconnexion :

Comme nous l’avons déjà mentionné, la CES ne partage pas le point de vue de la Commission selon lequel un droit à la déconnexion doit être établi. Il s’agit plutôt de l’application du droit à la déconnexion (c’est-à-dire le droit de ne pas être contacté ni obligé de travailler en dehors du temps de travail), en dehors de leur temps de travail programmé tel qu’il est établi dans les conventions collectives et le contrat de travail individuel. Après l’accomplissement de leur temps de travail, les travailleurs ont le droit de ne pas travailler et d’être contactés par leur employeur ou d’autres collègues. Si l’employeur souhaite que son travailleur soit à sa disposition, il doit conclure des conventions collectives sur le temps de garde et prévoir des compensations appropriées. La CES demande donc à la Commission de modifier sa formulation à cet égard et de faire référence à l’action potentielle de l’UE comme une mise en œuvre du droit à la déconnexion.

La CES considère que le droit des travailleurs à la déconnexion devrait être défini de manière à garantir que les travailleurs aient le droit d’éteindre leurs appareils numériques et de ne pas s’engager dans des activités ou des communications liées au travail au moyen d’outils numériques, directement ou indirectement, en dehors du temps de travail. S’ils reçoivent des communications, ils ne sont pas obligés d’y répondre avant de reprendre le travail. La CES souligne que cela implique qu’il n’y a pas de place pour des exceptions dans des circonstances exceptionnelles et inattendues, à moins qu’elles ne soient prévues par une convention collective ou d’autres pratiques nationales. Les travailleurs ne doivent subir aucun traitement défavorable de la part de leur employeur parce qu’ils ne sont pas en ligne. Les mesures d’application et de mise en œuvre du droit à la déconnexion doivent s’appliquer à tous les travailleurs et à toutes les formes de télétravail conformément aux réglementations et/ou pratiques nationales, peu importe leur statut d’emploi, leurs activités, le fait qu’ils pratiquent ou non le télétravail, et le secteur, tant public que privé, dans lequel ils sont employés.

Les employeurs devraient être effectivement empêchés d’exiger ou d’encourager les travailleurs à être directement ou indirectement disponibles ou joignables en dehors de leur temps de travail convenu, et les collègues devraient s’abstenir de contacter les travailleurs ou de communiquer avec eux en dehors des heures de travail convenues collectivement à des fins professionnelles. La directive devrait également rappeler que le temps pendant lequel un travailleur est disponible ou joignable pour l’employeur est du temps de travail, étant donné le lien inhérent entre le droit à la déconnexion et le temps de travail. Un enregistrement efficace du temps de travail peut contribuer au respect du temps de travail contractuel et la directive devrait garantir que les employeurs mettent en place un système objectif, fiable et transparent permettant l’enregistrement/la mesure de la durée du temps de travail, comme établi par la Cour européenne de justice[12]

Au-delà des exigences minimales en matière de temps de travail, la directive devrait lier le droit à la déconnexion non seulement au temps de travail, mais aussi à la charge de travail et à son évaluation pour éviter que les travailleurs se sentent obligés de se reconnecter. Même si le droit à la déconnexion est respecté, sa pleine efficacité dépend donc également d’une réglementation raisonnable de la charge de travail.

Les travailleurs devraient également être pleinement informés de leurs conditions de travail en général et en particulier aux fins de l’application et de la mise en œuvre du droit à la déconnexion. La directive devrait prévoir la mise en place de mesures de prévention internes avec un rôle d’assistance efficace pour les syndicats ou les représentants des travailleurs en leur absence sur le lieu de travail avec des garanties contre toutes représailles, comme un mécanisme d’alerte interne qui permet d’annoncer/de signaler la dégradation des conditions de travail des travailleurs dans l’entreprise dans le respect du droit à la vie privée du travailleur. Les travailleurs, y compris ceux qui sont des représentants syndicaux/des travailleurs, qui utilisent les mesures/instruments pour appliquer et faire respecter leur droit à la déconnexion ne devraient pas être exposés au risque de conséquences négatives, telles que le licenciement ou d’autres mesures de rétorsion (y compris en ce qui concerne la promotion). La charge de la preuve de l’absence de traitement défavorable incombe à l’employeur. 

Sur la garantie des conditions d’emploi et de travail décentes aux travailleurs effectuant du télétravail :

La CES accueille favorablement une initiative législative sous la forme d’une directive qui fixe des exigences minimales pour les travailleurs effectuant du télétravail. La CES insiste fortement sur le fait qu’elle ne considère pas le terme « télétravailleur » comme approprié. Le télétravail ne constitue en aucun cas une nouvelle ou une autre forme d’emploi ou une catégorie de travailleurs. L’exécution du télétravail n’a aucun effet sur le statut d’emploi du travailleur ni sur sa relation contractuelle. La directive doit définir des exigences minimales pour les travailleurs qui effectuent du télétravail. Le télétravail est une forme d’exécution du travail, utilisant principalement les technologies de l’information et de la communication (TIC), dans laquelle le travail, qui pourrait également être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué en dehors de ces locaux, de façon régulière, et pas seulement occasionnelle.

La directive doit garantir le caractère volontaire du télétravail. Aucun travailleur ne peut être contraint directement ou indirectement à effectuer du télétravail. Cela inclut également la disponibilité d’un lieu de travail personnel permanent dans les locaux de l’employeur. Le principe de non-discrimination est d’une importance capitale. La directive doit garantir que l’exercice du télétravail n’entraîne à aucun moment un traitement différent. Il ne doit pas y avoir de différence entre les travailleurs pratiquant ou non le télétravail en termes de conditions de travail, d’exigences en matière de santé et de sécurité ou de tout autre droit et obligation découlant de la relation de travail, y compris en matière de revenus et avantages.

La surveillance permanente des travailleurs devrait être interdite et les situations dans lesquelles les employeurs pourraient utiliser des outils de surveillance devraient être définies et énumérées par la directive ou par la négociation collective. La surveillance doit être limitée dans le temps et dans son champ d’application et les outils de surveillance doivent être négociés avec les partenaires sociaux, au niveau approprié. La directive doit inclure des exigences qui empêchent l’augmentation du contrôle, interdisent la surveillance et protègent la vie privée du travailleur qui effectue du télétravail, toujours dans le respect de la dignité humaine. Un niveau minimum effectif de protection doit être garanti pour la collecte et le traitement des données à caractère personnel dans les domaines suivants : Surveillance sur le lieu de travail et dans la sphère privée, accès aux données personnelles ou pertinentes lors de l’utilisation des moyens de communication modernes, étendue du droit de l’employeur et de l’employeur à poser des questions, utilisation et stockage des données. Des règles de compensation et de sanction doivent être prévues en cas de non-respect des règles. En particulier, la mise en œuvre du télétravail et la disponibilité de données électroniques ne doivent pas conduire à une augmentation de la surveillance du comportement et des performances ; des interdictions légales de l’utilisation de preuves sont nécessaires dans ce contexte. Toutefois, il convient de veiller à ce que la nouvelle législation ne porte pas atteinte à la législation existante sur les droits fondamentaux à la vie privée, y compris les dispositions plus spécifiques du RGPD.

Pour protéger la santé et la sécurité au travail des travailleurs effectuant du télétravail, la directive doit garantir que l’employeur inclut les risques du télétravail dans l’évaluation des risques et qu’il fournit l’équipement adéquat et l’assistance technique nécessaires à l’exécution du télétravail, ce qui inclut notamment des chaises ergonomiques et des écrans supplémentaires. En outre, l’employeur doit indemniser le travailleur pour les coûts supplémentaires tels que l’électricité, l’Internet, etc.

Afin de surveiller les conditions d’emploi et de travail des travailleurs effectuant du télétravail, les États membres et la Commission, par l’intermédiaire de ses agences Eurofound et EU OSHA, devraient mener des recherches approfondies et continues sur le sujet.

Sur la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs effectuant du télétravail :

La directive sur le télétravail et le droit des travailleurs à la déconnexion doit réaffirmer et faire respecter le fait que l’employeur est responsable de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs effectuant du télétravail conformément à toutes les réglementations légales et conventions collectives pertinentes. La résolution du Parlement européen sur le droit à la déconnexion de 2021 soulignait déjà que l’utilisation d’outils numériques pendant des périodes prolongées, ainsi que les interruptions du temps libre des travailleurs, outre la tension musculaire et les troubles musculo-squelettiques, peuvent entraîner une réduction de la concentration ainsi qu’une surcharge cognitive et émotionnelle, l’isolement, la techno-dépendance, le manque de sommeil, l’épuisement émotionnel, la fatigue au travail, la fatigue visuelle, des problèmes psychosociaux, mentaux et physiques, tels que l’anxiété, la dépression, l’épuisement professionnel et le stress technologique.

La véritable définition des normes de santé et de sécurité au travail peut être soutenue par le biais de la directive du Conseil 90/270/CEE[13] (travail avec des équipements à écran de visualisation), en mentionnant explicitement la forme de télétravail. Si les normes sont réglementées à cet endroit, d’une part, cela garantira les mêmes normes sur tous les lieux de travail et, d’autre part, nous obtiendrons probablement des résultats plus rapidement, étant donné qu’une révision a déjà été entamée. D’autant plus que les exigences techniques et d’organisation du travail relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation ne devraient pas être décrites dans différents textes de loi. La Commission devrait donc soumettre la révision de la directive à l’obligation claire de prendre en compte le télétravail et d’accélérer le processus.

Même si les travailleurs qui pratiquent régulièrement le télétravail sont exposés à des risques psychosociaux accrus, ces risques ne s’appliquent pas uniquement à ces travailleurs. Au contraire, ces risques affectent tous les travailleurs, qu’ils pratiquent ou non le télétravail. Une directive sur le télétravail et le droit à la déconnexion devrait donc prévoir une obligation spécifique pour l’employeur de mettre en œuvre des mesures préventives afin d’atténuer les risques psychosociaux pour les travailleurs qui pratiquent le télétravail. 

Sur la prise en compte des droits à l’information et à la consultation collectives :

La CES a souligné à plusieurs reprises dans cette réponse que les mêmes droits et obligations s’appliquent aux travailleurs qui pratiquent le télétravail et à ceux qui ne le pratiquent pas. Par conséquent, la reconnaissance dans la directive du fait que les travailleurs qui effectuent du télétravail bénéficient des mêmes droits d’information et de consultation n’est pas nécessaire, mais va de soi. Comme cela a été précisé à plusieurs reprises, il ne s’agit pas d’une catégorie spéciale de travailleurs. Le statut d’un travailleur ne change pas du fait du télétravail.

Toutefois, la directive devrait garantir que les syndicats et les représentants des travailleurs disposent d’informations sur les travailleurs effectuant du télétravail et aient un accès numérique garanti aux travailleurs et vice versa, et que l’employeur doive prendre toutes les mesures possibles pour garantir cet accès et leur fournir un canal de communication sécurisé et confidentiel. La participation des travailleurs à toutes les activités de l’entreprise doit être encouragée afin que la vie privée sociale du télétravailleur dans l’entreprise et la participation et l’utilisation de ses droits collectifs ne cessent pas d’exister.

Sur l’information des travailleurs :

La directive devrait stipuler que l’employeur informe ses travailleurs, ainsi que les syndicats ou autres représentants des travailleurs, de manière exhaustive sur les modalités des accords de télétravail et sur la convention collective en place. Les informations doivent également préciser à qui, y compris les syndicats ou les représentants des travailleurs en leur absence, un travailleur peut s’adresser en toute confiance s’il craint de faire l’objet d’une discrimination ou d’un traitement défavorable en raison de la demande d’effectuer du télétravail. Les informations doivent également inclure les moyens de contact des représentants des travailleurs et des syndicats.

Sur la promotion du rôle des partenaires sociaux :

La CES a adopté un programme d'action lors de son congrès statutaire à Berlin en mai 2023. Dans le cadre de cette première phase de consultation des partenaires sociaux européens, la CES réitère les paragraphes suivants de son programme d'action :

" Une tâche essentielle de la CES est de promouvoir les droits sociaux et les droits des travailleurs dans le cadre juridique de l'UE. Les défis auxquels sont confrontés les travailleurs dans les États membres de l'UE sont différents, mais la lutte pour des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail est universelle. Le marché intérieur intégré de l'UE rend plus importante que jamais la lutte pour des conditions de concurrence équitables, sans dumping social et dans le respect des droits sociaux et des droits du travail. 

La CES soutiendra toujours ses affiliés nationaux dans leur lutte pour la négociation collective et leur liberté de maintenir, de conclure et d'appliquer des conventions collectives qui peuvent être un meilleur outil pour mettre en œuvre et compléter les initiatives législatives de l'UE en fonction des pratiques et des cadres nationaux. À cet égard, il convient de reconnaître l'importance pour les partenaires sociaux de disposer d'une marge de manœuvre pour négocier et mener des négociations collectives. Il convient d'éviter tout impact négatif et toute utilisation abusive de la part des employeurs ou des syndicats « jaunes »".

Sur la garantie de l’application de la directive :

L’employeur doit donner des raisons objectives par écrit, qui peuvent être contestées juridiquement en dernière instance, pour refuser d’autoriser le travailleur à télétravailler. La directive doit garantir qu’elle est correctement appliquée et que les travailleurs sont effectivement protégés contre tout traitement défavorable ou licenciement abusif résultant de l’exercice des droits consacrés par la directive. Les travailleurs doivent recevoir une justification valable pour tout traitement qui pourrait être considéré comme défavorable à leur égard. La charge de la preuve que ce n’était pas le cas incombe à l’employeur. Les travailleurs, ou les syndicats et les représentants des travailleurs en leur nom, doivent avoir un accès effectif à la justice pour faire valoir leurs droits. La directive doit prévoir des sanctions dissuasives à l’encontre des employeurs qui violent ces droits.

Une directive devrait également garantir l’efficacité des contrôles et des inspections menés par les autorités compétentes, conformément aux traditions et pratiques nationales. Dans ce contexte, il convient de veiller à ce que les capacités des autorités compétentes soient suffisamment développées, notamment par le biais d’une formation leur permettant de cibler et de poursuivre de manière proactive les employeurs qui ne respectent pas les règles et de mettre en place des canaux permettant de signaler les mauvaises pratiques et les mauvaises conditions de travail. 

Enfin, la directive doit inclure une clause solide de non-régression et de disposition plus favorable.


[1] Première phase de consultation des partenaires sociaux en vertu de l’article 154 du TFUE sur l’éventualité d’une action de l’UE dans le domaine du télétravail et du droit à la déconnexion des travailleurs, C(2024)2990 final

[2] Résolution du Parlement européen du 21 janvier 2021 contenant des recommandations à la Commission sur le droit à la déconnexion (2019/2181(INL)) 

[3] Position de la CES sur le droit à la déconnexion, adoptée lors du Comité exécutif des 22 et 23 mars 2021

[4] Programme de travail sur le dialogue social européen 2022-2024

[5] Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail

[6] Directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail

[7] Accord-cadre européen du Comité de dialogue social de l'administration centrale (DDC-CGA) sur la numérisation

[8] Résolution de la CES demandant une directive européenne sur les systèmes algorithmiques au travail, adoptée lors du Comité exécutif du 6 décembre 2022

[9] Évaluation interactive des risques en ligne (OiRA)

[10] Lien vers des exemples

[11] ETUI Benchmarking Working Europe 2024, pp. 70-73

[12] Cour européenne de justice, CCOO contre Deutsche Bank SAE, arrêt du 14 mai 2019, C-55/18

[13] Directive 90/270/CEE du Conseil du 29 mai 1990 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation