Bruxelles le 29 mars 2017
COORDINATION DES CENTRALES SYNDICALES DU CÔNE SUD (CCSCS)
CONFÉDÉRATION EUROPÉENNE DES SYNDICATS (CES)
DÉCLARATION CONJOINTE SUR LA POSITION DES TRAVAILLEURS CONCERNANT LES NÉGOCIATIONS POUR L’ÉTABLISSEMENT D’UNE ASSOCIATION BIRÉGIONALE ENTRE LE MERCOSUR ET L’UNION EUROPÉENNE
À l’aube des négociations qui seront menées à Buenos Aires du 20 au 24 mars 2017 dans le cadre du Comité de négociation bi-régionale (CNB) pour la création d’une association bi-régionale entre le Marché commun du sud (Mercosur) et l’Union européenne (UE), les représentants du mouvement syndical soumettent aux autorités de chacun des deux blocs leurs préoccupations et exigences principales pour que la négociation débouche sur un véritable accord d’association qui permette de renforcer les relations politiques, économiques et culturelles entre les deux régions et de promouvoir le respect des droits de l’homme, l’emploi décent, le développement durable et les valeurs démocratiques, dépassant ainsi le simple accord de libre-échange.
Nous demandons à être informés immédiatement du contenu des offres d’accès aux marchés en matière de biens, de services, d’investissements, de marchés publics et de propriété intellectuelle, de manière à offrir la plus grande transparence possible aux producteurs impliqués, lesquels s’engagent à respecter les clauses de confidentialité de l’accord.
Nous exigeons que les équipes de négociation consultent formellement, réellement et effectivement les représentants de la société civile, notamment le Comité économique et social européen (CESE) et le Forum consultatif économique et social (FCES) du MERCOSUR, ainsi que d’autres acteurs sociaux représentatifs. Nous réclamons en particulier le respect du dialogue social institutionnalisé et effectif, de sorte que les mouvements syndicaux des deux régions, représentés par la CCSCS et la CES, participent aux sessions de négociation et que leur point de vue soit pris en considération. Nous exigeons également que le dialogue social soit respecté et mené de façon effective au niveau national.
Nous réclamons l’intégration de clauses assurant un « traitement spécial et différencié » aux pays moins développés, en particulier des instruments de politique industrielle, de coopération scientifique, de transfert technologique et de financement préférentiel qui permettent de développer de nouveaux secteurs de production ou de protéger les secteurs de production particulièrement sensibles.
Nous exigeons l’exclusion pure et simple des services publics de toute offre d’accès aux marchés des services, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’éducation, s’agissant dans les deux cas de droits de nos peuples, et non pas de marchandises.
Nous réclamons l’exclusion de toute clause liée à la protection des investissements et à la délégation de juridiction en cas de différend éventuel entre les investisseurs étrangers et les États nationaux des deux régions, s’agissant dans les deux cas de prérogatives souveraines de chaque État.
Nous demandons que l’accès aux marchés publics soit soumis à la concession de préférences ponctuelles et spécifiques pour certains secteurs, biens et services, conformément à la législation nationale et au respect des droits sociaux.
Nous réclamons l’exclusion des clauses d’extension de brevets du chapitre consacré à la propriété intellectuelle, car celles-ci, loin de stimuler l’innovation et la création de nouveaux produits, limitent l’accès aux médicaments et affectent les conditions de vie des populations.
Nous exigeons que l’accord garantisse à tout travailleur migrant, et à sa famille, le droit de migrer, de ne pas migrer, de séjourner et de retourner librement, indépendamment de sa nationalité, ainsi que le droit à l’aide, à l’information, à la protection et à l’égalité des droits et des conditions reconnus aux ressortissants du pays dans lequel il exerce ses activités, tout en garantissant en particulier les droits à la sécurité sociale des travailleurs migrants (conventions 97 et 143 de l’OIT).
Nous réclamons l’inclusion dans l’accord de clauses obligeant les entreprises nationales et multinationales à se conformer à la « Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale » de l’Organisation internationale du Travail (OIT), aux « Principes directeurs de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques à l’attention des entreprises multinationales », par le biais des points de contact nationaux (OCDE), ainsi qu’aux Principes directeurs sur les entreprises multinationales – « Protéger, respecter et remédier » – et à l’Agenda 2030 des Nations Unies. Par ailleurs, l’accord doit s’inscrire dans le respect de la Charte sociale européenne, de la Déclaration socio-professionnelle du Mercosur (2015) et des accords-cadres sectoriels généraux adoptés.
Nous rappelons le consensus atteint à la table des négociations, avant leur interruption en 2005, concernant les points suivants soumis par les syndicats : i) inclusion d’une section se référant aux conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et au travail décent en particulier, y compris l’inclusion dans l’accord de mécanismes de sanction en cas de violation de ces conventions ; ii) création d’un comité consultatif mixte composé du CESE et du FCES ; iii) reconnaissance dans le futur accord d’un « Forum du travail » consacré aux thèmes spécifiques du travail.
Nous réitérons et ratifions notre position exprimée dans la « Déclaration sur les négociations entre l’Union européenne et le Mercosur » du 3 juin 2016, approuvée conjointement par la CES et la CCSCS, qui définit la vision et la position du mouvement syndical des deux régions concernant le contenu et la forme des négociations entre les deux blocs (ci-jointe).
La CES et la CCSCS continueront de défendre les revendications des normes du travail et le principe général selon lequel les relations UE-Mercosur doivent contribuer à la construction de modèles de développement économiquement plus équilibrés, d’une plus grande cohésion et justice sociale, dans le respect de l’environnement.
Comme à tant d’autres reprises, le mouvement syndical se montrera à la hauteur des circonstances. Nous en attendons de même de la part de nos gouvernements.
Buenos Aires, le 20 mars 2017